En Mayenne. Un cercle vertueux entre insertion professionnelle et manger local

Chaque jour, des salariés en insertion de La Légumerie 53 préparent une tonne de légumes, mis en commande avec de la viande, des pâtes et livrés, par des chauffeurs en insertion, à une centaine de clients dont une majorité d'établissements scolaires.

20 juin 2024 à 11h25 par Alexis Vellayoudom

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Plus d'une dizaine de personnes travaille dans cette entreprise d'insertion
Crédit : Alexis Vellayoudom

C'est en quelque sorte un cercle vertueux. Pour faire simple, des agriculteurs mayennais livrent leurs produits à la Légumerie 53, un chantier d'insertion où sont transformés des légumes, direction, ensuite, le bâtiment d'à côté, MaYonCourt une plateforme logistique qui livre, grâce à des chauffeurs en emploi d'insertion, ces légumes préparés, mais aussi de la viande, de l'épicerie fine à plus d'une centaine de clients en Mayenne, dont une majorité d'établissements scolaires. 

 

De la terre à l'assiette 

 

Tous les matins, c'est le même bal de camionnettes dans la zone industrielle des Morandières à Changé. Chaque jour, plus d'une tonne de légumes bruts est livrée par les producteurs mayennais à La Légumerie 53, où sont transformées ces denrées. "On fait de l'agriculture biologique, on travaille aussi avec du bio et puis on a du conventionnel, sachant que tout est local. On cherche toujours à être au plus près de l'assiette", précise Sébastien Casiez, encadrant technique. Même si le chantier est aussi victime des aléas saisonniers. Dans ce cas-là, c'est la transparence qui prime. "Il y a quelques semaines, on a eu des grosses difficultés pour avoir de la carotte française. On a été contraint de fournir en carottes étrangères, nos clients ont été prévenus, on leur a demandé. Dès qu'on a pu repasser sur de la carotte française, on l'a refait". 

 

Reportage dans les ateliers de La Légumerie 53 et de MaYonCourt
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Les légumes entrent ensuite dans l'atelier, surnommé la zone grise ou zone "sale". Ce matin, c'est carotte, elles sont pesées, puis épluchées par une dizaine de personnes en insertion. Parmi eux, Johanna, 26 ans, en poste depuis 15 jours. "L'ambiance est vraiment bonne. On nous montre plein de choses. On apprend à éplucher, comment les laver, comment les découper". Les carottes sont ensuite lavées, égouttées, avant de filer vers la zone blanche. Dans l'équipe Habharati, en poste depuis 2022, elle arrive au terme des 2 ans maximum que peuvent effectuer chaque personne, mais ce chantier lui a permis de développer plusieurs compétences, "je suis polyvalente, je fais presque tout. Ici, on les transforme en produit fini, en rondelles, fines lamelles, frites, potatoes". 

 

Des emplois en insertion sur toute la chaîne

 

Plus loin, Véronique, 61 ans, découpe les aubergines. Elle est la seule permanente de la structure. "J'étais au chômage, avant, j'étais dans la restauration. À mon âge, c'était compliqué de retrouver un boulot, j'avais aucun retour. Quand je suis arrivée ici, avec mon expérience, ils m'ont gardé. Je reste ici jusqu'à ma retraite. Je leur suis un peu redevable. Ils m'ont accepté et fait évoluer". Les légumes qu'elle coupe sont ensuite mis sous vide. "On sort entre 800 et 900 kg de légumes par jour", précise Sébastien. 

 

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Véronique est l'une des seules permanentes de l'entreprise d'insertion
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Les légumes prennent ensuite la direction dans le frigo des produits finis. Les légumes se retrouvent dans des caisses. "Chaque caisse correspondant à un client. Là, par exemple, on a de la salade prévue pour le collège Alfred Jarry, et aussi pour la mairie d'Ernée", décrit Sébastien. Puis, c'est au tour de l'entreprise MaYonCourt de prendre le relais. La plateforme logistique emploie aussi des livreurs et des préparateurs de commande en insertion. "Ils complètent avec de la viande, du poisson, du laitage, de l'épicerie, des pâtes, toujours en local, mais qu'on ne traite pas en atelier", explique Julien Delcourt. En clair, la plateforme logistique d'insertion MaYonCourt ne va pas sans le chantier d'insertion de La Légumerie 53. Les camions partent ensuite livrer la centaine de clients des établissements scolaires, mais aussi des EHPAD, des Footruck, des restaurants, et même des festivals. 

 

Un maillon de la Loi Egalim

 

"On est le maillon manquant, justement pour avoir ce circuit au plus court, le plus direct", insiste Julien Delcourt, le directeur du site. Grâce à l'entreprise et au chantier d'insertion, plusieurs dizaines d'établissements sont livrés en produits locaux. La structure s'implique aussi dans le respect de la Loi Egalim, à savoir au moins 50% de produits durables et de qualité dont au moins 20% de produits bio ou encore la juste rémunération des agriculteurs. "On ne met aucune pression sur nos producteurs et fournisseurs. C'est bien eux qui déterminent leurs prix de vente. Forcément, nous, on y ajoute un tarif de prestation, afin de réduire les coûts et d'amener de la marchandise au prix le plus juste et faire vivre toute cette chaîne agro-alimentaire". 

 

Julien Delcourt, directeur des deux sites
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Et tout le monde s'y retrouve d'après Julien Delcourt. "Ça a du sens pour les salariés qu'on accompagne, pour l'agriculture locale. On imagine un petit agriculteur sur le Nord-Mayenne, dernièrement, il ne pouvait pas livrer ses produits sur le Sud-Mayenne. Aujourd'hui, grâce à nos plateformes, il peut se développer et livrer sur tout le département". Mais le directeur du site relativise quand même. "Après, il faut être honnête, on aurait été une entreprise, autre que d'insertion, l'équilibre aurait été difficile".