Laval. Les fouilles archéologiques de la place du 11-Novembre continuent de révéler leurs secrets

Près d'un an après l'arrêt des fouilles archéologiques place du 11-Novembre à Laval, les archéologues de la Ville étudient tous les objets récoltés sur place et les différentes couches du sol creusé, grâce à de la modélisation 3D. Le tout pour mieux se plonger dans le quotidien des Lavallois du XIVe au XIXe siècle.

Publié : 5 juillet 2024 à 19h55 par Marie Chevillard

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Au total, 70 000 fragments de céramique sont à étudier par les archéologues de la Ville de Laval.
Crédit : Marie Chevillard

A Laval, place du 11-Novembre, les fouilles archéologiques menées entre janvier et juillet 2023 paraissent déjà lointaines. Pourtant, un an plus tard, deux archéologues de la Ville travaillent toujours à temps plein pour analyser tous les objets découverts et les différentes couches du sol fouillé. "C'est un travail de l'ombre très important, souligne Hugo Meunier, archéologue pour la Ville de Laval. Pour six mois de fouilles, il faut compter au moins le double, soit plus d'un an d'étude en laboratoire." 

 

Des objets envoyés à Miami et Séville

 

Plus de 70 000 fragments de céramique ont été récoltés : ils sont tous analysés à Laval, dans les locaux du service patrimoine, qui a dû se réorganiser pour accueillir toute cette matière. "On a retrouvé aussi de la porcelaine, du verre et même du cuir", précise l'archéologue Pauline Peter. En l'occurrence, 400 objets en cuir ont été recensés, dont 60 chaussures. Ils passent aussi entre les mains de spécialistes, pour les dater plus précisément : "si on prend cette chaussure (qui daterait de 1840), elle est extrêmement bien conservée parce qu'elle était dans des sédiments humides, comme la Mayenne passait historiquement dans le centre-ville, avant son détournement vers 1860. Selon si vous avez un bout pointu, un bout carré, des clous sous la semelle de la chaussure ou pas, vous savez à quelle époque vous êtes".

 

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Cette chaussure retrouvée à Laval daterait, selon les premières estimations, de 1840.
Crédit : Marie Chevillard

 

En fonction de la localisation des spécialistes, les objets sont disséminés un peu partout en France et même à l'étranger. "Les pièces de monnaie retrouvées sont à Caen, les squelettes à Nantes, on a également des objets à Séville, à Miami...", liste Hugo Meunier. Sa collègue Pauline s'est particulièrement intéressée aux poubelles d'un hôtel particulier du XVIIe siècle, exhumé au pied de l'hôtel de Ville actuel.

"Dans ces poubelles, on avait des noyaux de cerises, ça d'accord, mais aussi des noyaux de pêches, bien plus rares à l'époque. Donc ça va nous permettre aussi de renseigner, à travers les habitudes de consommation, le niveau de vie des gens. Grâce aux ossements d'animaux retrouvés, on sait que cette personne consommait du requin, du veau, ce qui était assez rare à cette époque-là", signe que les habitants de ce lieu étaient plutôt aisés.

Pauline Peter "les habitudes de consommation renseignent sur le niveau de vie des gens"
Crédit : Marie Chevillard

 

Le XIXe siècle, "une surprise permanente"

 

Autre point d'intérêt : un dépotoir, qui se serait formé dans la 2e partie du XIXe siècle, "le premier de ce type découvert dans l'Ouest de la France". Avec une première surprise : le tri était déjà bien présent à cette époque, avant même l’arrêté d’Eugène Poubelle en 1883. "On ne trouve pas d'ossements par exemple, ni de métal, qui devait être sans doute fondu pour une deuxième utilisation".

Sur cette période contemporaine, paradoxalement, les archéologues en savent encore peu. "C'est encore une période assez peu étudiée, justement parce qu'elle est jugée trop récente, donc c'est une surprise au quotidien ! J'apprends plein de choses sur la génération de mon arrière grand-mère", sourit la jeune femme. Elle montre notamment ce pot à moutarde, avec une publicité évoquant la cour du roi d'Angleterre, et parfois "d'autres arguments marketing un peu rigolos pour nous".

 

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Sur ce pot à moutarde du XIXe siècle, on mentionne le roi d'Angleterre pour en faire la réclame.
Crédit : Marie Chevillard

 

A chaque fois, les objets étudiés "permettent de plonger au coeur du quotidien des Lavallois", grâce aux vestiges de vaisselle, de pots à savon, de vêtements... Mais outre l'étude des objets en eux-mêmes, "c'est encore plus important de savoir où ces objets ont été trouvés, où sont les couches les plus anciennes", assure Hugo Meunier.

 

Une exposition envisagée en 2027

 

Un travail facilité depuis une quinzaine d'années par l'étude en 3D des couches stratigraphiques - c'est-à-dire les différentes couches du sol qui correspondent à différentes époques - grâce à des photos et des images par drone, modélisées sur ordinateur. "Ça a vraiment révolutionné notre métier : je peux mesurer précisément l'épaisseur des murs, avec par exemple ici, cette ouverture de tir pour mettre un canon..." Et mettre en relation les observations entre elles : "Si on a des monnaies, des céramiques du XIVe siècle : est-ce que c'est cohérent ? Deux mètres au dessus, est-ce qu'on est au XVIe siècle, XVIIe siècle ?"

Hugo Meunier "l'étude en 3D des couches stratigraphiques a vraiment révolutionné notre métier"
Crédit : Marie Chevillard
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Des photos prises par drone et modélisées en 3D contribuent à l'étude stratigraphique.
Crédit : Marie Chevillard

 

Toutes les observations et analyses des archéologues sont consignées dans un rapport rendu à la DRAC, la Direction régionale des affaires culturelles. Une exposition temporaire ouverte au grand public est envisagée, elle, en 2027.