Université. "il y a une perte de sens" pour des étudiants, explique Florence Hartheiser, directrice du SUMPPS d'Angers
Pas de cours en présentiel, manque de lien social, la crise sanitaire a révélé le mal-être d'étudiants.
Publié : 25 janvier 2021 à 8h00 - Modifié : 27 février 2021 à 0h27 par Alexis Vellayoudom
Un étudiant sur 10 avec des idées suicidaires depuis le 1er confinement, d'après l'observatoire de la Santé Mentale. Le monde étudiant crie son mal-être, précarité, absence de cours en présentiel, vie sociale impactée dans ce qu’on décrit souvent comme les plus belles années. À Angers aussi, les demandes de consultations ont augmenté. Florence Hartheiser est médecin et directrice du SUMPPS d’Angers, le Service Universitaire de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé.
Entretien avec Florence Hartheiser
Une lassitude, un ras-le-bol, c'est ce que Florence Hartheiser ressent lorsque des étudiants se présentent au SUMPPS. Au problème, déjà connu, de la précarité étudiante, s’ajoute maintenant, un problème sous-jacent, déjà existant, mais que la crise a révélé, la santé mentale, dû notamment à l’absence de cours et de vie sociale,
"il y a vraiment une notion de perte de sens dans ce qu'ils font dans leurs études. Ce sens-là, il était amené par l'étayage social. Alors on les encourage à retrouver du lien social avec le sport, les bibliothèques universitaires qui sont ouvertes, par les réseaux sociaux. Mais c'est vrai que là, il manque un lien social physique qui fait que cette perte de sens, elle est majeure".
Une demande en hausse à laquelle il est difficile de répondre. Seulement un psychologue pour 10 000 étudiants à Angers, alors qu’il devrait en avoir un pour 3 000 explique Florence Hartheiser, ce qui provoque un manque dans le travail de prévention de la santé mentale,
"ça nous empêche de faire de la prévention primaire, en gestion du stress, en gestion de leurs études. On se retrouve avec des étudiants qui n'ont pas de pathologies ou un problème psychologique, mais qui sont vraiment en demande de lien social et d'écoute, et ça, c'est nouveau".
Une santé mentale qui pourrait aussi avoir un impact sur les résultats,
"ce qu'on peut craindre, c'est un décrochage des étudiants, même si là, les chiffres de présence aux examens sont assez bons, les copies semblent un peu légères. On s'inquiète un peu des résultats du 1er semestre".
Au SUMPPS, plusieurs étudiants relais-santé, formés par les infirmières, essayent de repérer les étudiants en mal-être grâce aux réseaux sociaux. Si vous avez besoin de parler ou d’aide, des consultations d’écoute sont réalisées par le SUMPPS au 02 41 22 69 10.
Une jeunesse qui doit elle aussi jongler avec la crise sanitaire
Pas facile d’être jeune en 2020 et 2021. Killian, 19 ans, est en BTS. Alternant, en début d’année, ce jeune originaire du Segréen, jonglait entre les cours à Angers et son travail à Combrée, sauf que la covid est revenue. Confinement puis couvre-feu, la Covid lui avait déjà posé problème l’année dernière à la sortie de son bac, lorsqu’il a fallu s’orienter,
"j'avais fait qu'un voeux pour un patron qui m'avait assuré d'être pris, sauf qu'avec la crise du covid il n'a pas pu me prendre donc j'ai passé 7 mois à rechercher une autre alternance. Ça a été compliqué de retrouver parce qu'il y a eu beaucoup de refus, à cause du covid".
Désormais, le quotidien, c’est boulot en présentiel, cours à distance, et plus aucun contact avec les camarades de classe,
"faut être tout le temps devant la caméra, c'est fatiguant. On est séparé, on ne se voit plus. On ne peut pas sortir comme au début dans les bars. J'ai deux camarades qui ont décroché, qu'ont arrêté la formation, parce que on ne pouvait plus aller en cours".
Killian s’estime quand même chanceux. Habitant du Segréen, étudiant à Angers et travaillant à Combrée, il peut continuer à côtoyer son entourage.