Plannings de la Catho : des salariés en souffrance, des étudiants désabusés à Angers
Depuis la rentrée, des enseignants et étudiants ont très peu de visibilité sur leurs agendas, avec parfois des annulations de dernière minute ou des attributions de salles en doublon. La faute à un nouveau logiciel dont le développement a pris du retard au fil des mois.
Publié : 6 octobre 2022 à 22h31 par Coralie Juret et Cyprien Legeay
Un cours d’anglais annulé 15 minutes après son heure de début, c’est la mésaventure que raconte Enzo, étudiant en licence Information et communication à l’Université Catholique de l’Ouest d’Angers. “On était tous dans la salle, au bout de 15 minutes on a reçu un mail comme quoi les profs n’allaient pas venir. Ça c'était pour tous les groupes d’Infocom, parce que les profs étaient pas au courant de leur emploi du temps. Mais nous on s’est quand même déplacé”. “On nous a juste expliqué que c'était un changement de logiciel, que fallait que les personnes à l’administration et les profs s’y habituent”.
Depuis la rentrée il y a un mois, les changements de dernière minute se succèdent. “Un exemple qui m’est arrivé la semaine dernière : j’avais un oral de stage à passer à 13h30, et une heure avant le début du cours on a reçu un mail de la prof, on ne pouvait pas passer notre oral. Donc je suis venu exprès à la Catho à 10h30 et je ne suis reparti qu'à 16h30”. Comme d’autres étudiants qui n’habitent pas Angers, Enzo est tributaire des transports en commun. “C’est une perte de temps de travail personnel”, regrette le jeune homme, sans compter le coût des trajets.
Ses camarades de promo sont amers : “on est toujours à se demander s'il va pas y avoir un changement. Quand le prof arrive dans la salle, on a toujours un petit sourire en se disant c’est bien, il est venu”. Enzo a pris l’habitude de se connecter tous les soirs à 19h pour vérifier son emploi du temps. Le prix de la licence revient souvent aussi dans les discussions, avec le sentiment d’un service pas assuré, et d’être parfois laissés de côté. Un étudiant de Licence 1 qui hésitait déjà entre deux formations a jeté l’éponge au bout de deux semaines.
Deux assistantes en arrêt de travail
De son côté, Bruno Deustch, enseignant en mathématiques appliquées, est contraint de noter les disponibilités de ses étudiants sur des bouts de papiers pour caler les intervenants. “Il y a encore des collègues qui m’ont expliqué qu’il y avait quatre profs un matin dans la même salle, parce qu'ils avaient été convoqués au même endroit au même moment ! Sachant que certains étudiants n’y étaient pas, parce qu’eux n'avaient pas reçu la convocation. Donc on a des situations ubuesques, et les gens commencent à perdre pied. Pendant longtemps ils ont quand même essayé au maximum de subvenir à ce que le système n’arrivait pas à faire mais là ils baissent les bras, ils savent plus quoi faire”, s’inquiète cet élu au CSSCT, le Comité sécurité, santé et conditions de travail.
Et l’ambiance est tendue chez les personnels, constate le délégué syndical CFE-CGC : “ Il y a beaucoup de gens qui sont en souffrance. Moi je vois les collègues avec lesquelles je travaille, notamment les assistantes sont vraiment fatiguées, il y a de la tension, c'est dur, et les gens sont sur le point de craquer à tout instant. Et il faut vraiment faire attention parce que c'est explosif, quand on arrive avec une petite modification à faire c’est une catastrophe, parce que ça a tellement d'implication que ça ne se fait pas comme ça”. "Voyant l'ambiance, des vacataires ont préféré arrêter".
Les personnels sont “en danger”, l’université fonctionne “en mode dégradé”, dans un contexte post-Covid et d’arrivée de réformes, le contrôle continu intégral notamment, énumère Bruno Deutsch. “La direction n’est pas à la hauteur”. Deux salariées de la faculté des Humanités sont toujours en arrêt maladie. Le problème ne concerne que 16% des étudiants “exclusivement de la faculté des Humanités, avec beaucoup de choix possibles d’options”, selon le directeur du campus angevin.
Du retard accumulé dès le printemps
Bruno Peluau se dit bien conscient des efforts de ses collaborateurs et de leurs difficultés : “Ce logiciel nous le construisons par modules au fur et à mesure du cycle universitaire. Mais quand on travaille comme ça, le moindre petit retard vient enrayer la machine et constitue une difficulté. En fait, nous avons connu à chaque mise en production de manière très classique, des bugs et un changement de procédure. Au premier module “Candidatures”, un petit peu de retard, au deuxième module “Inscriptions administratives”, un petit peu de retard et là nous sommes extrêmement tendus puisque ce module planification nous l’avons mis en retard par rapport à la prévision initiale et malgré les efforts de tous les collaborateurs, on a du mal à résorber cette difficulté”.
Le directeur de l’UCO Angers “espère qu’aux vacances de la Toussaint cette crise sera derrière nous” et dit travailler pour : "je ne nie pas les difficultés que nous avons, c'est pour ça qu'on travaille totalement pour résorber ce retard et faire en sorte qu’on puisse donner à tous le maximum de lisibilité autrement dit le semestre, le plus rapidement possible”. Mais il reste, ajoute-t-il, “toute la fin du logiciel à développer et il faudra cette année pour digérer la mise en place”.