Procès en appel du balcon d'Angers : l'architecte a-t-il bien fait son travail de contrôle du chantier ?

Ce lundi, le procès en appel des balcons a débuté. La Cour d'appel d'Angers se penche sur la responsabilité pénale de Frédéric Rolland, l'architecte, et le conducteur de travaux, relaxés en première instance. En octobre 2016, l'effondrement d'un balcon du Surcouf, rue Maillé, a causé la mort de quatre jeunes et fait quatorze blessés.

Publié : 25 septembre 2023 à 19h25 - Modifié : 26 septembre 2023 à 9h04 par Alexis Vellayoudom

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Le procès en appel s'est ouvert le 25 septembre 2023
Crédit : CJ

Sept ans après l'effondrement d'un balcon de l'immeuble le Surcouf, rue Maillé, dans le centre d'Angers, le drame hante encore les familles des victimes. Pendant deux semaines, elles devront se replonger dans cette soirée tragique du 15 octobre 2016. Dans la nuit, au quatrième étage de cet immeuble construit en 1997, alors que deux soeurs organisent leur pendaison de crémaillère, le balcon s'effondre. Il emporte dans sa chute 18 jeunes. Quatre décéderont, Lou, 18 ans, Antoine, 21 ans, Benjamin, 23 ans, et Baptiste, 25 ans. Quatorze autres seront blessés.

En mai 2022, lors du procès au tribunal correctionnel, trois personnes sur les cinq prévenus sortiront condamnés, le chef de chantier (18 mois de prison avec sursis et 1 000 € d'amende), le contrôleur de l'Apava (18 mois de prison avec sursis et 1 000 € d'amende), et Patrick Bonnel, patron de l'entreprise de gros oeuvre (trois ans d'emprisonnement avec sursis et 24 500 €). Ce lundi, la plaie se rouvre. La Cour d'appel d'Angers devra déterminée la responsabilité pénale de Frédéric Rolland, l'architecte, et le conducteur de travaux, relaxés lors du procès. Après une matinée de contextualisation et de rappels des faits, les débats ont démarré dans l'après-midi. 

 

Aucune trace d'un changement de fabrication du balcon

 

C'est d'abord l'architecte, Frédéric Rolland qui est passé à la barre. La présidente a longuement restitué le contexte de la construction de l'immeuble et notamment le changement de méthode de fabrication du balcon pour passer d'un coulage de la dalle sur place, au lieu de la pose de pré-fabriqué. Un changement qui ne figure écrit nulle part. "La totalité des travaux doit figurer dans ce dossier, sauf que dans ce dossier d'ouvrage, ne figurait aucun changement, dont le choix de couler la dalle sur place", martèle la présidente Marie-Cécile Thouzeau. Elle rapporte ensuite les propos d'un témoin, "travailler sans plan est une prise de risque. Un changement de plan nécessitait de refaire des calculs". La présidente conclue : "on ne sait pas bien incarner la responsabilité du chantier au sein du cabinet Rolland". 

Et c'est là, le noeud du problème. A l'époque, l'architecte confie le dossier à un conducteur de travaux de son cabinet, Monsieur C. Un homme, aujourd'hui décédé, habitué à travailler avec Frédéric Rolland. "C'était le conducteur de travaux de mes grands projets", confie l'architecte. La présidente pointe alors le fou autour du manque de contrôle. "Pendant un an, vous n'avez pas de point sur le chantier ?", demande la présidente. "Non très peu", répond l'architecte. La présidente reprend : "comment vous pouvez savoir s'il y a un souci sur le chantier, si vous ne posez pas de question ?". "Quand on en discutait, c'était "on déroule", "ça suit son cours". On entendait pas parler de ce projet au réunion du cabinet", lâche Frédéric Rolland. 

"Comment se fait-il que le changement du mode constructif n'apparaît pas sur les comptes-rendus ?", reprend l'une des vice-présidentes. Rolland botte en touche : "Je n'ai personne sous la main pour l'expliquer et l'intéressé est décédé".  

 

"Le Surcouf, c'est un chantier sans architecte ?"

 

Maître Morin de la partie civile prend alors la parole. "Le Surcouf, c'est un chantier sans architecte ?". "Le chantier était représenté par Monsieur C. Il correspondait au rôle. Il avait une totale légitimité", lui répond Frédéric Rolland. "Mais la confiance, n'exclut pas le contrôle ! On est dans cette situation où tout le monde a confiance en tout le monde. Alors qu'en faite personne ne contrôle", s'agace la présidente. Les débats s'orientent autour de Monsieur C, avait-il connaissance du changement de fabrication ou non, en a t-il référé à Frédéric Rolland. Le prévenu se défend : "je ne suis pas sûr qu'il avait connaissance du premier dossier. Il est possible qu'il soit passé à côté. Pour ma part, je ne sais pas, je n'ai pas suivi ce projet, je n'étais pas sur ce chantier".

L'avocat général décide alors de revenir sur la nature de leurs relations. "Est-ce que Monsieur C avait une totale liberté de paroles à votre égard ?". "J'ai cherché à savoir si Monsieur C savait quelque chose. J'ai été voir ses enfants et ils m'ont dit "papa avait une totale confiance en vous. Vous avez été pour lui une espèce de phare". Il y avait une totale entente entre nous, je l'ai compris bien plus tard. Elle était basée sur le respect, la qualité des échanges et le rapport d'homme", confie Frédéric Rolland. Des propos que nuance l'avocat général par le témoignage d'un des collaborateurs : "je cite, "il n'y avait pas de contact direct entre le conducteur de travaux et Frédéric Rolland. Frédéric n'aimait pas". 

Ce à quoi Frédéric Rolland répond sobrement : "j'ai le sentiment que beaucoup de monde savait beaucoup de choses, mais ça n'a pas été formalisé". Reste à savoir, si l'architecte, lui, savait ?