Santé. Des médecins augmentent leur consultation de 5 € pour protester contre la proposition de loi Valletoux

Depuis lundi, les députés débattent de la proposition de loi Valletoux pour améliorer l'accès aux soins dont la régulation d'installation des médecins. En signe de contestation, plusieurs médecins ont augmenté leur consultation de 5 €.

Publié : 16 juin 2023 à 9h14 par Alexis Vellayoudom

Banderole Manif Médecin_27 02 23_AVC
Les médecins avaient manifesté le 27 février à Angers
Crédit : Alexis Vellayoudom

Une consultation plus chère en signe de protestation. C'est le choix qu'ont fait plusieurs médecins pour dénoncer la proposition de loi Valletoux et les différents amendements débattus à l'Assemblée nationale pour lutter contre la désertification médicale. Le collectif Coméli 49, coordination des médecins libres et indépendants du Maine-et-Loire, a appelé les médecins du Maine-et-Loire a augmenter leur consultation de 5 €. Entretien avec son coordinateur, le Dr Olivier Leroy, médecin généraliste installé à Angers. 

 

Quels sont vos désaccords par rapport à la proposition de loi Valletoux ? 

 

Elle s'inscrit dans une politique de santé qui va mettre à mal l'indépendance et la liberté des médecins libéraux. C'est un projet qui va donner beaucoup plus de pouvoir à l'administratif que sont les Agences régionales de santé. Ça va obliger les médecins à s'installer dans des zones sous-dotées alors que l'ensemble du territoire est déjà déficitaire. C'est bloqué le départ en retraite ou du moins le conditionner. Au final, c'est un projet de loi qui va aller contre l'attractivité de notre profession et va accentuer la problématique de l'accès aux soins. 

 

C'est votre plus gros point de désaccord, la question de la régulation d'installation des médecins* ? 

 

L'État et les députés veulent un plus grand contrôle de notre profession. Il existe pas de territoire réellement sur-dotés, peut-être mieux dotés, mais quand on n'a pas assez partout, c'est difficile de prendre sur un territoire en tension pour les mettre dans une zone sous-dotée. Le risque aussi, c'est que les médecins ne voudront pas s'installer dans le monde libéral et choisiront un autre mode d'exercice, le salariat ou autre. Ces mesures qui veulent améliorer l'accès aux soins, vont au contraire l'aggraver parce que le choix de la médecine générale, reste un choix d'installation dans un milieu qu'on connaît, des professionnels qu'on connaît et les infrastructures pour accueillir sa famille. 

 

Parmi les autres propositions, il y aussi l'obligation de participer à la permanence des soins. Quelle est votre position ?

 

Sur le 49, on a l'ADOPS, l'association départementale d'organisation de la permanence des soins qui gère très bien les choses et il n'y pas de zones de carence donc rendre obligatoire quelque chose qui marche très bien n'a pas forcément d'intérêt. Il risque plus de créer des conflits entre ceux qui veulent s'investir de façon importante dedans et ceux qui ne veulent pas s'investir. 

 

Et cette interdiction pour les jeunes médecins hospitaliers de faire de l'intérim pour vous, c'est dans la suite de la loi Rist ? 

 

Bloquer l'intérim médical, c'est encore forcer les choses. Ça représente une minorité des cas. C'est juste aussi le moyen de montrer que si les gens font de l'intérim médical, c'est qu'il y a une sous-valorisation des salaires au niveau de l'hôpital et des structures hospitalières. Du coup pour palier au manque de professionnels, les gens se tournent vers l'intérim médical, ça serait plutôt intéressant de réfléchir autrement en revalorisant les choses, on éviterait d'avoir de l'intérim médical et on créerait un moyen de fidéliser les professionnels sur les structures hospitalières plutôt que de bloquer les gens qui viennent pour compenser les manques.

 

Pour protester, vous avez demandé aux médecins d'augmenter le tarif de la consultation de 5 €, pourquoi ? 

 

C'est pour alerter les patients et générer un débat au sein de nos consultations. On a beau mettre des affiches dans nos salles d'attente, faire des manifestations, on se rencontre que la prise de conscience est difficile. Et quand on fait cette explication de façon raisonnée et avec tact et mesure, on se rend compte que depuis lundi, on obtient un soutien qui est net et croissant de nos patients sur l'importance de défendre une médecine de qualité, centrée sur le patient et ses besoins réels et non sur une médecine avec des objectifs qui dépendent de l'État pour maîtriser à maximum les dépenses de santé, au détriment de la qualité des soins.

 

Vous l'avez fait ? 

 

Bien sûr, depuis lundi, j'applique un ajustement d'honoraire au patient en l'expliquant. Alors pas forcément à tout le monde, ceux qui n'ont pas les moyens et qui sont dans la précarité, je ne l'applique pas. 

 

Quelle est la réaction de vos patients, vous n'avez pas peur de les contrarier ? 

 

La première personne à qui j'ai évoqué ce complément d'honoraire, il m'a dit, c'est que 30 €, vous devriez demander plus. Je pense qu'aujourd'hui, il y a un réel soutien. Les gens m'ont dit clairement, on ne veut pas perdre notre médecin donc il faut se battre et faire en sorte que les politiques et les institutions comprennent la gravité de la situation. Ils adhèrent. Ils comprennent qu'on est dans un vrai tournant de notre système de santé, que celui qui est égalitaire, solidaire et accessible pour tout le monde est vraiment mis en jeu. Et demain, si on ne bouge pas, on va permettre une financiarisation progressive du système de santé qui va générer des soins qui ne sont pas qualitatifs, mais orientés sur la rentabilité. Les Fonds privés vont investir dans la médecine de ville et ça sera une catastrophe pour nos patients et une dangerosité pour la société. Si, on a des gens en bonne santé, on a une population productive et si on a une population qui est malade, ça sera beaucoup plus compliqué. 

 

C'est une mesure choc qui va durer combien de temps ? 

 

Tout dépendra de la réaction de nos institutions et de l'État vis-à-vis de ce vent de colère qui souffle sur l'ensemble du territoire français. Elle dépendra aussi du passage des différents amendements qui entourent le projet de loi Valletoux. On pourrait durcir l'action, si on voit qu'ils continuent dans une même politique du système de santé français. 

 

*Depuis l'interview, l'amendement sur la régulation d'installation des médecins a été refusé. En revanche, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui permet de donner une bourse aux étudiants volontaires dès la 2ème année d’étude, s'ils s'engagent à venir exercer ensuite dans les zones sous-dotées.