Stade lavallois. Entre le club et le Laval Crew, le torchon brûle
Après le derby entre le Stade lavallois et Angers Sco, le club a décidé de prendre des mesures à l'encontre de certains supporters. Au moins huit membres du Laval Crew, ont reçu une Interdiction commerciale de stade (ICS). Le groupe de supporters et le président lavallois Laurent Lairy défendent leurs points de vue.
18 août 2023 à 12h17 - Modifié : 18 août 2023 à 12h59 par Cyprien Legeay
C'était lors de la première journée de Ligue 2 : Laval affrontait Angers. Après plusieurs années sans se croiser, les deux formations se retrouvaient pour inaugurer leur saison. L'occasion de retrouver aussi l'esprit de rivalité qui anime les deux camps dans un stade Francis Le Basser à guichets fermés. L'ambiance est chaude, le parcage est plein avec plus de 600 supporters du Sco qui ont fait le déplacement.
Entre la tribune du kop lavallois, qui rassemble les Socios/Gotan's et le Laval Crew, et celle des Angevins, les noms d'oiseaux fusent à plusieurs moments de la partie. C'est de là que vient le premier problème pour le président du Stade lavallois qui a distribué plusieurs Interdictions commerciales de stade après cette rencontre. "Je ne peux pas tolérer des insultes à répétition durant tout un match, explique Laurent Lairy. Il y a également des fumigènes qui ont été craqués, cela est interdit. Enfin, la banderole à l’égard des Angevins a fait rire tout le monde, mais, là encore, nous sommes dans l’insulte. Moi, j’entends porter des valeurs au Stade lavallois et je ne peux pas tolérer ça. La LFP nous a écrit pour justifier et prendre des mesures."
"Incitation à la haine et à la violence"
Une semaine après, les premières sanctions seront donc tombées avec dix Interdictions commerciales de stade (ICS) distribuées. "Sur le courrier que j’ai reçu, le motif est : incitation à la haine et à la violence, précise David, le capo du Laval Crew. Pour le moment, nous sommes trois à en avoir reçu une, mais nous devrions être plus. Tout le monde pour le même motif."
Sur les faits reprochés, chaque camp se renvoit la balle. Le Laval Crew ne comprend pas les décisions, prises selon eux "à la tête du client". "Nous avons essayé de contacter le club, mais il ne nous donne pas les motifs précis, indique David, frappé d'ICS jusqu'au 31 décembre. Ce jeudi matin, la présidente du Laval Crew est allée au siège du club pour demander, comme le veut la loi, les preuves vidéo des interdictions afin de comprendre. Le club n’a pas souhaité nous transmettre les enregistrements." Une version différente est exposée par le président du Stade lavallois : "S’ils les veulent (les vidéos), ils iront au tribunal et on les montrera. On peut très bien dire qu’il n’y a pas de preuves, le problème, c’est que tout le monde a entendu ce qu’il s’est passé en tribunes."
Depuis son arrivée à la tête du Stade lavallois en 2021, Laurent Lairy a toujours prôné les valeurs humaines. "Bienveillance", "savoir-être" et "chaleur ajoutée" sont des formules souvent employées par le président. Que ce soit pour le mercato ou dans ses relations avec les supporters, il applique la même formule. "Moi, je veux bien que l’on soit bienveillant, il n’y a pas de problème, lâche le capo du Laval Crew. Mais Laurent Lairy a été le premier à traiter les dirigeants du Havre de voyous..." David (30 ans) défend également le fait que, en tant que capo, il est un lien privilégié avec la sécurité pour gérer d'éventuels problèmes en tribunes. Pour lui, le club a "eu un coup de pression de la LFP après le jet de peau de banane l'année dernière". Il poursuit : "le club a peur de prendre une amende, a peur de perdre des points et donc panique en interdisant des personnes de stade. Le but, c’est de nous mettre à la porte."
De son côté, Laurent Lairy affirme que la LFP a demandé au club de prendre des mesures. Cela suit aussi sa ligne de conduite depuis le début de son mandat. Une décision qu'il n'applique pas avec joie. "Je n’ai rien contre les supporters, rien contre le Laval Crew, je veux juste que tout le monde respecte le jeu et vive des émotions ensemble. Mais je ne veux pas de violences verbales et tout ce que j’ai pu voir lors du match Laval - Angers." En commission de discipline, ce jeudi soir, aucune mesure n'avait été prise à l'encontre du Stade lavallois.
Un dialogue rompu ?
Chaque camp a sa version des faits et le dialogue est au point mort. Depuis le début de semaine et que les ICS tombent, les personnes concernées demandent des explications au club. Pour le moment, ils n'en ont pas. Laurent Lairy présente une autre version. "Ils connaissent la règle, je les reçois tous les mois et ils ne sont pas toujours présents. Qu’ils ne disent pas qu’ils ne sont pas entendus par le club car je fais beaucoup de choses pour eux. Je leur mets de la peinture gratuite pour leur tifo, je leur ai mis un promontoire en tribune… Mais pas de violence, c’est tout."
Des actions en justice
Aujourd'hui, le Laval Crew se dit prêt à tout pour contester ces ICS. "Nous allons contester, nous sommes accompagnés par des juristes et des avocats et nous allons faire le nécessaire, dit le capo lavallois. Nous allons envoyer un recommandé pour avoir les preuves vidéo, si elles ne sont pas transmises alors nous considérerons que les ICS sont nulles et non avenues (ndlr : inexistantes, sans effet). Nous demanderons à ce qu’elles soient retirées. Nous avons l’intention d’utiliser tous les moyens possibles pour faire lever ces ICS."
S'il y a un point où le club et le Laval Crew se rejoignent, c'est sur l'ambiance. Les deux camps s'accordent à dire qu'elle peut en prendre un coup. Le groupe de supporters a déjà annoncé faire grève lors de la réception de Rodez, une nouvelle qui ne réjouit pas Laurent Lairy. Mais le président se dit obligé de prendre ces mesures. "Évidement, l’ambiance d’un stade est importante et on fera tout pour qu’elle soit présente à chaque match. Mais sans insultes et sans les comportements que j’ai constatés. Aujourd’hui, les insultes profanées à l’encontre des supporters angevins, les insultes homophobes, on ne peut pas les laisser passer. Moi, j’aime beaucoup le Laval Crew mais quand il se comporte normalement."
"Il y a un monde où le club est en National"
Le capo du Laval Crew donne sa vision des choses. "Quand on voit les stades anglais où il ne se passe plus rien, où c’est très commercial, ça ne donne pas envie… Nous, on a monté un truc avec le Laval Crew. En 2017, quand on a créé l’association nous n'étions qu’une dizaine et aujourd’hui nous sommes entre 50 et 100 selon les matches. On arrive régulièrement à emmener la tribune avec nous. On attire du monde, nous sommes la travée où le club vend le plus de places. Moi, je n’ai pas peur de voir des tribunes aseptisées, c'est juste qu'on reviendra à ce qu’on voyait avant qu’on ne lance notre association. On a créé un truc, les joueurs adorent, ils nous le disent. Aujourd’hui, l’ambiance va devenir morose et ça peut nous coûter cher sportivement. Je pense que si le kop n’est pas là, il y a un monde où le club est en National. Et les joueurs sont les premiers à le dire."