Grève des pharmaciens. "Notre profession est menacée"

Ce jeudi 30 mai, en Anjou et en Mayenne, 9 pharmacies sur 10 ont fermé boutique. La profession réclame une meilleure rémunération sur les médicaments et l'arrêt du projet de vente en ligne des médicaments.

30 mai 2024 à 12h11 - Modifié : 30 mai 2024 à 12h44 par Marie Chevillard et Alexis Vellayoudom

Plus de 300 pharmaciens de la région manifestent à Angers

Crédit : DR

C'est une mobilisation qui n'avait plus eu lieu depuis 10 ans. Depuis ce matin, les pharmaciens sont massivement dans les rues de France. 90 % d'officines fermées selon les syndicats. En Maine-et-Loire et en Mayenne, ce sont près de 9 pharmacies sur 10 qui ont baissé le rideau. 300 pharmaciens se sont réunis à Angers, devant la Caisse primaire d'assurance-maladie pour manifester avant d'entamer une marche vers la préfecture du Maine-et-Loire. Entretien avec Damien Lemagnen, pharmacien à Segré et trésorier du syndicat de pharmaciens, la FSPF 49, pour comprendre les enjeux de cette mobilisation.  


 


Damien, pourquoi les pharmaciens sont-ils dans la rue aujourd'hui ?


 


"Il y a un gros ras-le-bol de la profession. On a été très présent au moment du Covid, comme professionnels de santé pour les patients qui avaient besoin, mais, aujourd'hui, on souffre des baisses de prix consécutives qui provoquent des ruptures dans nos boutiques et on se retrouve dans des cas de figure où on peut même plus délivrer une ordonnance dans sa globalité à cause des ruptures. C'est de plus en plus fréquent. Les médecins nous soutiennent aussi, car pour eux, ça devient compliqué de prescrire. Et ça, c'est dû à la politique du gouvernement de baisser les prix de remboursement.


 


Vous expliquez également que les pharmacies connaissent aussi un problème de désertification ?


 


"Exactement ! En parallèle dans nos pharmacies, on a aussi une augmentation des charges. On a été impacté par l'inflation, les augmentations de salaires, la baisse des prix, font que la rentabilité de nos boutiques, ça devient compliqué. Des pharmacies ont déjà fermé en milieu rural et beaucoup d'autres risquent de connaître le même sort".


 


Pourtant, aujourd'hui, les pharmacies ont de nouvelles missions.


 


"Oui, mais sans forcément être rémunéré. Ces nouvelles missions, c'est rémunéré à la pièce. On passe parfois 15 ou 30 minutes au comptoir pour toucher 50 centimes ou 1 euro donc à un moment donné ça passe plus. On ajoute à ça les formations à faire en amont pour assurer ces missions, plus un délai de paiement. On n'est pas payé tout de suite, on est payé bien plus tard. Il y a pas mal de choses qui coincent donc si l'Etat tient à nous, aux pharmacies, tient à ce qu'on existe toujours dans 10 ans et qu'on assume toujours notre rôle de professionnel de santé de proximité dans les centres des villes, il faut que ça bouge". 


 


Au parlement, justement, des sujets sont en discussion, mais pas forcément les bons selon vous ?


 


"Il y a la menace de dérégulation avec la vente en ligne de médicaments. Le projet est à l'étude en septembre. Le gouvernement n'a pas été clair avec nous puisqu'il nous a dit qu'il n'y a pas de projet, mais des commissions parlementaires convoquées pour étudier ce projet. C'est une menace sur notre profession. Dans l'absolu, si notre rentabilité, déjà fragile, est mise en danger, on risque de connaître le même sort que la médecine générale".


 


Ce projet, vous le prenez comme un manque de considération ?


 


"Ce projet revient à résumer notre mission à un distributeur de médicaments alors qu'on est là pour assurer un conseil, une opinion pharmaceutique au comptoir. Pour conseiller le patient dans la délivrance du médicament. D'autant plus qu'on reçoit davantage des patients qui vont directement au comptoir, car ils vont avoir du mal à prendre rendez-vous chez le médecin donc on a de plus en plus cette place centrale de conseil. Ce n'est pas en dérégulant les médicaments, en les mettant sur Internet où c'est délivré par n'importe qui et n'importe comment, c'est un profond risque sanitaire". 


 


Que donnent les négociations ? 


 


"Nous ce qu'on demande, c'est une meilleure rémunération sur les médicaments et pour nos nouvelles missions, stopper le projet de dérégulation des médicaments qui pourraient être vendus en ligne, et des mesures pour éviter les ruptures d'approvisionnement en médicaments. Les différents syndicats ont eu des entretiens avec la CNAM et le Premier ministre, Gabriel Attal. Ça n'a pas été concluant, c'est un oui, mais non. Enfaîte, on ne sait pas donc à un moment donné on a besoin de mettre un petit coup de pression pour que ça bouge".