Logements étudiant à Angers : pourquoi est-ce si difficile ?
Depuis quelques années, la recherche d'un logement étudiant à Angers est un vrai parcours du combattant. Benjamin Kirschner, adjoint à la jeunesse et la vie étudiante, revient sur la situation.
13 septembre 2023 à 9h52 - Modifié : 13 septembre 2023 à 12h45 par Alexis Vellayoudom
Benjamin Kirschner, adjoint à la jeunesse et à la vie étudiante
Crédit : DR
Difficile de se loger à Angers lorsqu'on est étudiant. En temps normal, l'immobilier est sous tension alors quand les étudiants arrivent sur le marché de la location, difficile de trouver. D'un côté, les logements se font de plus en plus rares, de l'autre ils deviennent de plus en plus chers. La Fé2A, Fédération étudiante des Associations angevines réclame un passage de la ville en zone tendue et davantage de logements. Benjamin Kirschner, adjoint à la jeunesse à la ville d'Angers, répond à ces demandes et fait un état des lieux de la situation.
La rentrée universitaire se poursuit avec en toile de fond cette problématique du logement. La Fé2A et l'Université d'Angers pointent du doigt le manque de logements à Angers et notamment pour les 46 étudiants, quel est votre regard sur cette pénurie ?
"C'est un sujet qu'on prend à coeur et la ville est active sur le dossier. D'abord, il faut noter qu'Angers est la ville de sa strat qui construit le plus de logements étudiants en France. On en a construit 434 l'année dernière, 510 pour cette rentrée, et ça sera plus de 3 420 logements entre 2019 et 2026, dont 60 % d'offre public (ndlr : à Angers, le Crous compte 2 486 logements boursiers, ce qui permet d'héberger seulement 5,5 % des étudiants de la ville et place Angers en dessous de la moyenne nationale à 10%). On a en parallèle de nombreux dispositifs. Le projet KAPS avec l'AFEV qui permet des colocations à loyers modérés (ndlr : 200 à 300 €) en échange d'une action d'intérêt général. La ville a lancé une campagne de communication pour maximiser l’offre de particuliers. On s'est rendu compte que beaucoup de particuliers avaient des chambres disponibles pour diverses raisons, départ d’enfant du domicile, ou autre, et pouvaient être intéressés pour les mettre en location. Il y a le dispositif HTP, hébergement temporaire chez l'habitant avec Habitat Jeunes. L'année dernière, on avait 60 hébergeurs. Et dans l'accompagnement, nous sommes aussi actifs avec la carte interactive du logement étudiant, un outil qui permet de centraliser toutes les données pour aider les jeunes dans leurs recherches, trouver un logement, les résidences étudiantes, les transports en commun, les équipements sportifs et culturels. On a aussi lancé le guide du premier logement qui permet à l'étudiant de faire ses premiers pas dans l'autonomie, comment gérer son budget pour un logement et éviter les arnaques".
Et malgré ces projets, comment en arrive-t-on à une situation de pénurie ?
"Quand on parle de pénurie de logement, on parle souvent des conséquences, mais on ne regarde jamais la cause. Ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est qu'il y a 10 ans, Angers perdait des habitants (ndlr : une baisse d'environ 5 000 habitants entre 2006 et 2010). On n'avait pas de situation de tension sur le marché et il n'y avait pas de volonté du Crous, ni des bailleurs de construire davantage, car il n'y avait pas de besoin puisqu’on comptait de nombreux logements vacants. Puis de nouvelles écoles se sont installées, des entreprises aussi avec l’emploi qui y est associé, et de facto de nombreux nouveaux habitants donc on s'est retrouvé avec une forte demande de logements. En 10 ans, on a eu une augmentation de 40 % de notre nombre d'étudiants. C'est en partie dû au triptyque, une attractivité du territoire par son offre et la qualité de ses formations, le cadre de vie très apprécié et un coût de la vie courante et du loyer moins cher que dans la plupart des autres villes étudiantes. Maintenant, on a aussi une surcroissance du nombre d'étudiants dans la ville et dans certains établissements supérieurs de recherche qui ont augmenté leurs effectifs. Or, il faut 3 voire 4 ans pour construire des logements, donc si certains établissements augmentent de plus de 1000 étudiants leur effectif chaque année, c'est impossible d’y faire face en temps et en heure, et ça pose aussi une question de soutenabilité pour le territoire "
Vous voulez dire que la ville n'est pas en capacité d'absorber l'augmentation de son nombre d'étudiants ?
"La ville assume son rôle. Tant en permettant la réalisation d’une offre conséquente de logements étudiant, et la création de nombreux dispositifs d’accompagnement. Maintenant, non, aucune ville ne peut faire face à une croissance continue d’une telle ampleur. Nous sommes fiers d’être une ville étudiante, c’est notre visage et notre richesse, mais il faut que la croissance soit soutenable pour le territoire et tout l'enjeu est là. Lorsque la croissance d'étudiants est plus forte que la croissance des logements, ça crée des difficultés qui ne sont souhaitables pour personne. On doit avoir une vision avec les établissements supérieurs de recherche et les collectivités sur ce sujet".
Et comment, par exemple ?
"On est la troisième ville la plus étudiante de France. C’est une bonne chose, car ça fait partie de notre identité, mais il faut faire attention à ne pas créer de déséquilibre à terme. Être élu, c’est préserver l’intérêt général. On ne souhaite donc pas que cette proportion augmente. On ne veut pas moins, ou plus d’étudiants, mais tout simplement faire mieux pour les étudiants en réfléchissant à une meilleure répartition des étudiants sur la ville et la métropole. Aujourd'hui, 95 % des étudiants logent à Angers, ce taux est plus faible dans les autres villes étudiantes. On doit avoir une réflexion avec les communes de la première couronne pour davantage répartir l'offre de logements étudiant sur le territoire. On a un réseau de bus et de tram qui est capable de répondre à cette demande. Ensuite, il y a la question du centre-ville, à chaque projet immobilier, l'opposition nous demande pourquoi vous ne créez pas plutôt des logements étudiant (ndlr : le débat porte notamment sur le déménagement de la CCI de ses locaux, boulevard du Roi René). La réalité, c'est qu'on a déjà 40 % de 15-30 ans dans le centre-ville. Si on augmente cette proportion, il risque d’y avoir un déséquilibre. Je ne souhaite pas devenir Rennes où les familles quittent le centre-ville. On est garant de cela. C'est à ce défi qu'Angers doit répondre présent pour que chacun puisse trouver sa place".
Quand on parle de la difficulté de se loger, c'est aussi le prix des loyers qui rentre en compte. Selon la Fé2A, le loyer moyen a augmenté de 3,9 % et représente une part importante dans le coût de la rentrée universitaire, estimée à 2 821 € pour 2023. Elle réclame un passage d'Angers en zone tendue pour plafonner les loyers, réguler les AirBnb et les logements vacants, vous y êtes favorable ?
"La demande a été faite. Je ne pense pas qu'elle sera acceptée et passer en zone tendue ne réglera pas la pénurie. C’est un problème d’offre que nous avons par rapport à la croissance continue du nombre d’étudiants. C’est donc un enjeu qui passera par plus de création de logements CROUS pour permettre à chacun d’y étudier, et nous nous y employons avec 600 logements CROUS à venir. Mais aussi une meilleure répartition de nos logements étudiant. Passer en zone tendue n’aurait pas un réel impact sur ce point. Concernant les loyers, et malgré les augmentations de loyers, selon une étude du syndicat étudiant l'UNEF qui classe les villes étudiantes du coût de la vie le plus cher au moins cher, on arrive 33 ème sur les 47 grandes villes étudiantes pour le coût de la vie, et 31 ème sur les 47 grandes villes étudiantes sur le coût du logement étudiant. La ville d’Angers est actuellement une des plus attractives pour la vie étudiante, avec des coûts plus faibles que d'autres grandes villes étudiantes et une attractivité du cadre de vie importante. On revient au triptyque évoqué précédemment pour expliquer pourquoi Angers est plébiscité comme ville étudiante".
Florian Thierry, responsable du pôle innovation sociale à la Fé2A
Crédit : Alexis Vellayoudom
De leurs côtés, l'Université d'Angers et la Fé2A ont travaillé sur deux outil supplémentaires pour aider à la recherche d'un logement. Une plateforme pour l'UA et l'application Un lit pour une nuit pour la Fé2A, "ça permettra aux étudiants de se mettre en relation avec des personnes qui pourront les héberger. Ça peut-être des étudiants, mais après si des parents ont une offre pour un étudiant à proposer, évidemment qu'elle sera prise", précise Florian Thierry, en charge de l'innovation sociale à la Fé2A. L'application devrait sortir à la rentrée de septembre 2024.