Laval. Un Syrien soulagé par la fin du régime

Dix jours après la chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie, Moussa Haddad, un Lavallois d'origine syrienne, exprime à la fois un sentiment de délivrance et d'inquiétude pour l'avenir. Alors qu'une partie de la population connaît toujours de grandes difficultés pour manger et se chauffer.

Publié : 9h29 par Alexis Vellayoudom

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Moussa Haddad (à gauche) a créé l'association Les Amis de Tamam en 2016.
Crédit : Les Amis de Tamam

C'est un livre de 50 ans qui vient de se refermer en Syrie. Un livre lugubre où chaque page est remplie de noirceur, l'une plus noire que l'autre. Un livre dans lequel la dynastie al-Assad, Hafez, le père, puis Bachar, le fils, s'est racontée dans toute son ignominie. Désormais, depuis le 8 décembre et la fin du régime proclamée par l'armée de libération conduite par des rebelles islamistes, c'est "un nouveau livre qui démarre", glisse Moussa Haddad, un Lavallois d'origine syrienne, président de l'association Les Amis de Tamam. 

 

"Pas de liberté, mais la sécurité et de quoi manger"

 

Cela fait 40 ans que Moussa suit de loin la vie du régime syrien des Assad. Quarante années de terreur qui seront pour lui difficiles à effacer. "Ça ne sera pas simple d'oublier tout ce qui a été vécu et transmis pendant 50 ans. Il faut être réaliste sur le plan psychologique. Un peuple qui a été formaté avec Bachar al-Assad au pouvoir, en train de préparer son fils pour la suite... Tout ça, c'est intégré, donc il faut leur laisser le temps de digérer cette libération et changer d'état d'esprit pour passer à autre chose", analyse le Lavallois.

Pour Moussa Haddad, la priorité des Syriens, c'est manger et se sentir en sécurité
Crédit : Marie Chevillard

Mais ce changement, les Syriens auront-ils le temps de l'intégrer ? Treize ans après l'échec du Printemps arabe et les guerres successives dont celle contre l'Etat islamique, la communauté internationale s'interroge déjà sur l'après Bachar. Car ce sont bien des rebelles islamiques, menés par un dirigeant, ex-membre d'Al-Qaïda, qui sont aux manettes de l'armée de libération. Pour Moussa qui se rend tous les ans un à trois mois en Syrie, son peuple a d'autres priorités : "la politique internationale, je n'y crois plus. La priorité, c'est avoir de quoi manger, se chauffer en hiver, se soigner et se sentir en sécurité. Vous savez qu'en Syrie depuis quatre ans, ils ont l'électricité, parfois à peine 4 heures par jour. Imaginez, cette humiliation, cette pauvreté, c'est ça qui me touche. Aujourd'hui, si on dit aux Syriens, 'vous voulez de la liberté', ils disent, 'on n'en veut rien, ni liberté, ni démocratie'. On veut juste la sécurité et se réchauffer, avoir de quoi manger pour nourrir nos enfants".

 

Des pays voisins inquiétants

 

Une première pensée très terre à terre qui ne l'empêche pas de s'inquiéter pour l'avenir. "Ce qui m'a choqué et perturbé, c'est qu'à peine 24 heures après la chute du régime, l'état d'Israël n'a pas cessé de bombarder la Syrie. Auparavant, elle bombardait régulièrement. Aujourd'hui, il n'y a plus de régime et malgré ça, Israël ne cesse pas de bombarder. Deuxième chose, ça se passe dans le Nord de la Syrie, vis-à-vis des Syriens kurdes : ils sont bombardés par la Turquie et l'armée nationale syrienne. Est-ce qu'on retrouvera un jour l'unité géographique de la Syrie ? Ça, ça m'inquiète", confesse celui qui a tenu pendant plusieurs jours un chalet au marché de Noël de Laval.

Moussa Haddad s'inquiète des pays voisins de la Syrie
Crédit : Marie Chevillard

Pour soutenir les actions de l'association de solidarité Les Amis de Tamam, vous pouvez acheter des produits syriens comme du savon d'Alep ou du thé à la menthe à Laval, à l'épicerie Les Cornichons ou à l'épicerie de Rouessé.