Maine-et-Loire. Des collégiens incarnent des familles angevines juives déportées
150 collégiens du Maine-et-Loire ont retracé, à travers des saynètes, l'histoire de familles angevines juives déportées vers les camps de la mort lors de la Seconde Guerre mondiale.
14 juin 2024 à 23h20 par Alexis Vellayoudom
Ils ont mis un visage sur les victimes de la Shoah en Anjou. Au début du mois de juin, 150 élèves de 3e se sont réunis à Mûrs-Erigné pour jouer des saynètes, qu'ils ont écrit avec l'aide de la Compagnie Spectabilis. Chaque collège retraçait les quelques mois d'une famille angevine lors de l'application des lois antisémites en France, juste avant leur déportation.
Henri Borlant, seul survivant de sa famille
"On devait mettre en scène, l'histoire de la famille Borlant", explique Capucine, élève au collège Dom Sortais à Beaupréau. En 1927, cette famille juive, originaire de Russie, est naturalisée français. Après le début de la Seconde Guerre mondial et l'invasion de la Pologne en 1939, toute la famille se réfugie à Saint-Lambert-du-Lattay. Lorsque l'Allemagne nazie a pris le contrôle de la France, les autorités de Vichy appliquent les lois antisémistes, dont le recensement. Chose que va faire Aron Borlant, le père, pour lui, sa femme et ses neuf enfants. La scène est reproduite sur scène. "Ça fait bizarre parce que, ça c'est vraiment passé et pourquoi eux ?", confie Noam.
Le 15 juillet 1942, lui et une partie de sa famille sont raflés. Conduits à Angers, ils feront partie du convoi n°8 du 20 juillet 1942, l'unique convoi à être parti de province pour directement aller au camp d'Auschwitz-Birkenau, sans passer par Drancy, avec 827 personnes à bord. "Ils ont été déportés, mais il y en a qu'un seul qui est revenu, c'est Henri Borlant. Il est encore vivant aujourd'hui", poursuit l'élève de 3e qui avait le rôle de narrateur pendant cette saynète. Henri deviendra médecin et écrira en 2011 le livre Merci d'avoir survécu.
Maud Levy et sa famille assassinées à Auschwitz
"C'est vrai que nous quand on traite des cours, on fait des cas très généraux. On va étudier un camp de concentration et Auschwitz. On passe, malheureusement, beaucoup trop vite. Et prendre un cas particulier, ça révèle beaucoup plus de choses parce que ce n'est pas des chiffres, c'est une famille et des enfants qui se sont fait tuer et ça les impacte beaucoup plus", explique Alexis Hamard, professeur d'histoire au collège Porte d'Anjou de Noyant-Villages. Ses élèves racontent l'histoire de Maud Lévy et sa famille déportées à Auschwitz. Ses parents Georges et Simone, commerçants à Angers, ont été obligés de placarder une affiche sur leur vitrine montrant qu'ils sont juifs. "On affiche les gens dans leur religion alors que c'est personnel et puis après, ils les assassinent", réagi Julianne, dans le rôle du père.
Georges sera arrêté puis déporté. Sa femme Simone et ses enfants Eliane et Francis sont déportés le 15 juillet 1942 dans le convoi n°8 au départ d'Angers. Quant à Maud, 14 ans, d'abord internée à la villa Suzanne aux Ponts-de-Cé car trop jeune pour être déportée, elle sera finalement envoyée vers les camps de la mort dans le convoi N°36 le 23 septembre 1942, puis assassinée six jours plus tard. "Avec la disparition des déportées qui venaient témoigner, ça devient très important. On fait de l'histoire pour ne pas reproduire les erreurs du passé, et celle-là est particulièrement terrible. Il faut qu'ils comprennent que le racisme et l'antisémitisme sont très loin d'avoir disparu. C'est un cours de combat", rappelle Alexis Hamard. D'autres projets de ce type pourraient avoir lieu.