Mercosur, commerce, géopolitique, la rentrée de l'eurodéputée Valérie Hayer
En pleine rentrée européenne, la Mayennaise Valérie Hayer a pris le temps d'analyser les sujets brûlants du moment.
29 octobre 2024 à 9h26 - Modifié : 29 octobre 2024 à 13h51 par Alexis Vellayoudom
Quelques mois après avoir été tête de liste pour la majorité présidentielle lors des élections européennes, l'eurodéputée mayennaise Valérie Hayer a repris ses travaux au Parlement européen. Dans une période où l'UE n'a jamais été aussi en désaccord, la cheffe de file du groupe centriste et libéral Renew Europe prend un moment pour revenir sur les dossiers qui seront débattus à l'Union européenne dans les prochaines semaines.
Sur la position de la France dans l'UE
"Il y a eu des inquiétudes sur un risque d'instabilité, mais elles ont été vite dissipées par le résultat des élections législatives", confie Valérie Hayer. Pour elle, la France, malgré le contexte de politique nationale, conserve une position forte au sein de l'Union européenne. "Ceux qui répandent l'idée que l'influence française diminuerait, se trompent. En Europe, Emmanuel Macron est toujours vu comme un leader capable de faire bouger les lignes". Pourtant, le groupe Renew Europe, soutenu par Emmanuel Macron et porté par Valérie Hayer, a considérablement diminué au Parlement européen. De 103 députés sur le mandat précédent, ils sont désormais 77 de 20 nationalités différentes face à une extrême droite en progression dans l'hémicycle. "On reste incontournable. L'Extrême-droite n'est pas en capacité de construire une majorité", rappelle l'eurodéputé. Pour l'élue de Saint-Denis d'Anjou, la nomination de Stéphane Séjourné en tant que Commissaire européen et vice-président de la Stratégie industrielle et de la Prospérité est un signe fort. "C'est l'un des plus gros portefeuilles de l'Union européenne".
Quid alors de la dette publique française sur laquelle les différentes injonctions de la Commission européenne ont poussé le gouvernement de Michel Barnier à réagir pour présenter un budget resseré en capacité de faire 60 milliards d'économie. Auraient-elles pu égrener les relations avec la France ? "Prétendre que l'Europe, tous les matins, toquerait à la porte de la France en disant "ce n'est pas bien, et on va vous punir", ce sont les eurosceptiques qui disent ça". On a des règles communes, il faut les respecter. Le Gouvernement est dans un dialogue avec la Commission européenne. Et ce n'est pas simplement un objectif de réduction de la dette. On veut aussi soutenir l'investissement et on demande à la France de continuer à investir dans la transition environnementale, dans la réindustrialisation sur les secteurs stratégiques donc c'est cet équilibre qu'il faut trouver. C'est dans l'intérêt des Français de réduire la dette. C'est pour préserver les générations futures. Il faut trouver cet équilibre entre réduire les dépenses de fonctionnement qui ne sont pas si nécessaires ou l'argent mal utilisé et puis parfois continuer à investir", répond Valérie Hayer.
Sur le Mercosur, pas de garanties, pas d'accord
C'est sans doute le sujet le plus brûlant du moment, et le plus concernant pour le département de la Mayenne. Alors que la Commission européenne doit rendre, dans les prochains jours, son verdict sur l'accord de libre-échange avec les états d'Amérique latine du Mercosur, les principaux syndicats agricoles FNSEA et Jeunes agriculteurs, mécontents des termes actuels, ont déjà fait savoir qu'ils pourraient redescendre dans la rue dès le 15 novembre. Plusieurs points de non-retours sur lesquels l'eurodéputé ne compte pas transiger. "Depuis que je suis arrivée au Parlement européen, j'ai la même ligne. C'est non ! Pas d'accord en l'état", défend la Mayennaise. Pas anti-commerce, Valérie Hayer demande deux garanties, absentes à ce stade, le respect des accords de Paris sur le climat et la réciprocité des normes de production et d'élevage. "Typiquement, il faudra s'assurer que les producteurs de bœuf brésilien ne le fassent pas en détruisant des forêts. Et on veut que les produits qui arriveront sur le marché européen respectent les normes qu'on impose à nos producteurs", rappelle l'eurodéputé.
Une ligne que ne défendent pas tous les pays européens. En l'état, l'Allemagne et l'Espagne, pour des raisons commerciales et culturelles, sont plutôt favorables à l'accord actuel. "Il y a des rapports de force. La Commission européenne est sous pression par des états qui disent "maintenant, ça fait 20 ans, et on veut cet accord". La France bataille dur pour que ses demandes soient entendues", promet Valérie Hayer. Si la Commission européenne valide cet accord, le texte ira ensuite au Parlement européen où les équilibres de vote sont incertains. Mais l'accord commercial avec le Mercosur n'est pas la seule bataille que la Mayennaise veut livrer. Le Parlement européen doit aussi revoir la Politique Agricole Commune, la PAC, pour y apporter des ajustements. "La réforme la PAC suscite des inquiétudes, il faut un dialogue avec tout le monde pour rassurer". La Mayennaise milite aussi pour étendre la Loi Egalim au niveau européen. Elle pourra défendre cette idée lors des sessions de la Commission Agriculture et développement rural qu'elle a rejoint, tout comme la Commission Budgets.
"Il faut sortir de notre naïveté vis-à-vis de la Chine et des États-Unis"
La Chine, la Russie, la Hongrie, et bientôt les États-Unis ? La bannière étoilée rejoindra, peut-être, bientôt, le rang des autocraties. Dans les prochaines semaines, Donald Trump, opposé à la candidate démocrate Kamala Harris, pourrait de nouveau reprendre les rênes de la Maison-Blanche. "Il faut qu'on s'inquiète", admet Valérie Hayer. Plutôt adepte du non-interventionnisme, Trump pourrait désengager l'aide américaine apportée à l'Ukraine dans sa guerre contre la Russie. Le moment pour Valérie Hayer de "passer à la vitesse supérieure" sur ce vieux serpent de mer qu'est l'Europe de la défense. "Les pays de l'Est, comme l'Estonie, s'ouvrent et ont changé de ligne sur cette idée". D'autres bloquent comme la Hongrie du populiste Viktor Orban. "L'UE prévoit pour les états qui renient nos valeurs qu'on puisse leur suspendre les fonds versés. On peut aller jusqu'à la suspension du droit de vote", explique la Mayennaise.
Un bras de fer qui se joue aussi sur le plan commercial. "Depuis 2019, la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, on a accéléré. Quand l'Allemagne a découvert sa dépendance au gaz russe, il y a eu un déclic", rapporte l'eurodéputé. Elle est d'ailleurs favorable au mix énergétique nucléaire/énergies renouvelables. Face à des Américains agressifs sur le marché pharmaceutique, l'UE a pris la mesure comme sur la question récente du Doliprane. "Typiquement quand un bien stratégique risque d'être racheté par un pays extérieur, la Commission européenne offre la possibilité à chacun des états de s'opposer à ces achats". Le marché de la voiture électrique est aussi au cœur du sujet. "C'est maintenant que ça se joue. Les Américains et les Chinois ne nous ont pas attendus. Ils ont déjà engagé le tournant et si on ne le fait pas nous, on sera dépendant d'eux", martèle Valérie Hayer. Le Parlement a d'ailleurs adopté le Pacte vert qui regroupe plus de 70 lois, "allant de l'économie circulaire, la réparation des Iphone ou des machines à laver pour faire des économies et aussi lutter contre le réchauffement climatique", précise la Mayenne. "
Immigration : travailler sur la politique des retours
C'était l'un des sujets principaux abordés lors des élections européennes en France. Comment gérer l'immigration aux frontières de l'Union européenne ? "Il faut renforcer le contrôle aux frontières et gérer les flux avec des centres sur les frontières européennes", propose Valérie Hayer. Une série de mesures a d'ailleurs été votée lors du Pacte européen sur la migration et l'asile qui entrera en vigueur en 2026. "Elles ne sont pas encore appliquées. Il faut du temps, mais, plus généralement, on a besoin d'accélérer sur la mise en oeuvre de nos lois". En attendant, l'Italie a pris les devants en transférant une partie de ses immigrés dans des centres en Albanie, gérés par les autorités italiennes. "C'est de l'affichage. Ça coûte cher et on met notre souveraineté dans la main d'un pays tiers", s'indigne l'élue de Saint-Denis d'Anjou. Un tribunal italien s'est d'ailleurs penché sur la question. Pour autant, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau est ouvert à ce genre de système. Une ligne que désapprouve l'eurodéputée mayennaise qui milite plutôt pour la révision de la directive retour des migrants.
Parler plus d'Europe
Ce temps d'échange, c'était aussi l'occasion pour la Mayennaise de faire une introspection de sa campagne européenne. "Honorée", Valérie Hayer reste persuadée d'avoir "pris les électeurs au sérieux" en parlant d'Europe. Elle regrette cependant que sa campagne "ne soit pas partie plus tôt", et que son camp ait été "absorbé par les débats nationaux". Les débats, les caricatures, les attaques personnelles, "je me suis protégée contre ça", même si l'élue de Saint-Denis d'Anjou avoue avoir été parfois étonnée que des gens puissent arriver à "douter que j'étais bien fille d'agriculteurs parce que je portais des escarpins". Ces élections lui auront permis d'affirmer ses combats futurs, "continuer à dire ce qu'est le Rassemblement national", mais aussi, "faire un énorme travail de pédagogie pour qu'on parle plus d'Europe. Il y a un tas de problématiques qui relèvent de l'Europe, mais on est encore assez loin du réflexe qu'on devrait avoir". Un travail qui devrait d'abord commencer en Mayenne, son hâvre de paix, loin de l'agitation bruxelloise, où l'élue est arrivée derrière le RN.