Réforme des retraites : "il va falloir aller plus loin dans la réflexion", confie François Gernigon, député du Maine-et-Loire
Après le 49.3 puis le rejet de la motion de censure, la réforme des retraites a fini par être adoptée. François Gernigon, député Horizons de la 1ère circonscription du Maine-et-Loire, revient sur ces semaines de tensions.
22 mars 2023 à 17h55 - Modifié : 22 mars 2023 à 17h56 par Alexis Vellayoudom
François Gernigon, député de la 1ère circonscription Angers-Châteauneuf-sur-Sarthe
Crédit : DR
Emmanuel Macron sort du silence. Le président de la République s'est exprimer pour la première fois ce midi après l’adoption du projet de réforme des retraites. "Place maintenant à la pédagogie", explique de son côté François Gernigon, député Horizons et soutien de la réforme. Entretien avec le député de la 1ère circonscription du Maine-et-Loire, Angers - Châteauneuf-sur-Sarthe.
François Gernigon, lundi, l'Assemblée nationale a rejeté à neuf voix d'écarts la motion de censure présentée par le Groupe Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires). Vous étiez satisfait ?
"Heureux que cette motion de censure n'ait pas été votée. Si on remonte à l'origine des faits, le fameux 49.3. J'entends dire qu'il n'y a pas eu débat. Si, il y a eu des débats, d'abord en Commission des Affaires sociales dont je fais partie, avec de nombreuses heures et jours de débat pendant lesquels on n'a pas pu avancer parce qu'il y avait 20 000 amendements déposés par la NUPES et donc on est arrivé au terme des débats. Il a fallu passer ensuite à l'hémicycle où ça a été la même chose. Donc le temps du débat était présent, mais le débat n'a pas eu lieu parce qu'on nous a empêchés de débattre. Il y a eu ensuite un accord au Sénat puis la Commission mixte paritaire sur laquelle il y a eu un accord. Le texte qui est ressorti n'est pas le même que le texte de départ avec de belles avancées. Le parti Horizons, on a défendu qu'il fallait rester aux 43 années cotisations et faire abstraction des 64 ans, ce qui a été retenu. Il y a eu plein de choses que chacun a porté ou apporté, dont les députés LR (Les Républicains) et là où je suis déçu, c'est la position des députés LR qu'auraient dû voter ce texte et qui ont fait barrage au vote, d'où l'arrivée du 49.3. C'est un outil législatif sur lequel la Première ministre a porté la responsabilité de son gouvernement".
Est-ce que ce n'est pas un aveu de faiblesse de la part du gouvernement de ne pas aller au vote ? Certains de vos confrères chez Horizons regrettent de ne pas avoir été au vote, c'est votre cas aussi ?
"Non parce que par rapport à tout le travail fait précédemment. Cette réforme fait partie du programme du président de la République, programme que je soutiens. Il y a trop d'enjeux. La retraite, aujourd'hui, on est encore sur un régime qu'est tout juste à l'équilibre et qui va devenir déficitaire. Il est impossible de penser que la retraite puisse être financée sur de l'emprunt donc il fallait aboutir".
Pour vous, c'est un regret de ne pas être allé au vote ?
"Non, ce n'est pas un regret".
On voit dans la rue, la mobilisation se poursuit. À quoi, vous vous attendez dans les prochains jours ?
"Je pense qu'il va falloir beaucoup de pédagogie. Ce qu'il a pu manquer et ce qu'il manque en général, c'est un état des lieux de la situation en France, peu importe les sujets. Sur la retraite, il faut pas hésiter à dire, on l'a sûrement pas assez dit, que face aux meilleures conditions de vieillissement de la population, on ne peut pas être en retraite aussi longtemps que l'on a été sur sa carrière professionnelle. Si, on est en retraite 35 ou 40 ans, on ne peut pas être sur une durée de travail équivalente. Sans parler des déficits et des euros, il y avait en 2000, treize millions de retraités, là, on va doubler ce nombre de retraités alors qu'on ne double pas notre nombre d'actifs. Je crois qu'il n'y a pas besoin d'avoir fait de grandes études pour comprendre que ça coince. Donc c'était important que cette réforme aille au bout".
Ce n'était pas ce que le président de la République avait annoncé dans son programme au départ. Il a d'ailleurs été élu avec une majorité relative grâce à un vote contre l'extrême droite et s'est dit obligé par rapport à ceux qui n'ont pas voté pour lui. Est-ce que c'était nécessaire de faire passer cette réforme, visiblement pas apprécié par une majorité des Français ?
"Pas appréciée, parce que je pense qu'une faible majorité mesure les enjeux. Cette réforme, elle s'impose. On ne peut demain financer la retraite par emprunt. Par contre, il va falloir aller plus loin dans la réflexion sur la retraite, c'est de dire, c'est vrai qu'on ne peut pas travailler à 60 ans comme on travaille à 30 ans. J'ai un exemple précis d'une institutrice qui a 55 ans et qui me dit, je ne vais pas pouvoir jusqu'à 64 ans continuer à faire ma classe comme je le fais aujourd'hui. C'est facile à comprendre, parce que les enfants d'hier ne sont pas ceux d'aujourd'hui et que l'enseignement d'aujourd'hui, n'est pas l'enseignement d'hier. Elle me dit, aujourd'hui, on nous demande d'avoir dans nos classes quelques enfants qui peuvent être en difficulté, de faire de l'inclusion. Et elle me dit, moi, je rêve à 55 ans, dans une classe, de m'occuper de 5 élèves en difficulté, à côté de l'enseignant qui va s'occuper du reste de la classe. Les gens ne sont pas forcément contre travailler plus longtemps, mais simplement de travailler autrement. Et ça, c'est quels que soient les métiers. Par exemple, dans les métiers de l'accompagnement au service à la personne, il y a des choses à mettre en place sur l'animation, sur le fait de venir en soutien des plus jeunes. C'est la même chose dans le bâtiment, c'est la transmission des savoirs. Il y a plein de choses à réfléchir pour que le travail des seniors soit un travail où il y a du sens. Et là, il y a des attentes importantes sur lesquelles, il va falloir réfléchir".
Est-ce que ce n'était pas ça la priorité avant de présenter une réforme sur les retraites ? Aujourd'hui, beaucoup de personnes se réjouissent de la suppression des régimes spéciaux, mais finalement tout le monde demande un régime spécial en fonction de la pénibilité de son travail.
"Peut-être, mais aujourd'hui, il n'est pas trop tard puisque dans les semaines qui viennent, il y aura la loi sur le plein-emploi et je souhaite être acteur et proposant par rapport à ce que j'entends sur le terrain. J'ai commencé à en parler aux représentants syndicaux".
Du côté de l'opposition, des députés comme le Mayennais Guillaume Garot (PS) demandent au président de la République de ne pas promulguer la loi et d'organiser une référendum d'intiaitve partagée.