Maine et LoireMayenne

En Anjou. La fin du Ramadan se prépare dans les cuisines

Après un mois de jeûne du lever au coucher du soleil, Mina va fêter la fin du Ramadan. Et ça démarre dans les cuisines. Reportage.

Publié : 28 mars 2025 à 22h08 - Modifié : 28 mars 2025 à 22h08 Alexis Vellayoudom

Mina Ramadan Marans_28 03 25_AVC
Mina est aux fourneaux depuis trois jours pour préparer la fin du Ramadan
Crédit : Alexis Vellayoudom

Comme près 5 millions de musulmans en France, Mina, habitante de Marans dans le Nord du Maine-et-Loire s'apprête fêter l’Aïd El-Fitr, marque de fin du Ramadan. Un mois de jeûne durant lequel chaque musulman s'engage à ne pas manger, ni boire du lever au coucher du soleil. Une purification du corps et de l'esprit empreint des valeurs de partage et d'aumône auprès des plus pauvres. Des préceptes que Mina suit à la lettre. Demain, elle recevra à sa table, familles et amis, musulmans et non musulmans. 

 

Aux fourneaux depuis mardi

 

Le pas de la porte à peine passé, c'est déjà le branle-bas de combat. "Attendez, je sors juste mes gâteaux du four". La Marocaine âgée de 71 ans nous accueille chez son fils à Marans, mais ce matin, c'est la tuile. "Je n'ai plus de gaz donc je ne peux pas faire les bricks. Un ami de mon fils doit passer. En attendant, on va faire les pâtisseries, vous allez m'aider." Et ce n'est pas les premières de la journée, car sur la grande table du salon, les plateaux sont déjà bien remplis. "J'ai fait des baklavas, des petits gâteaux nouveaux à base de cacahuètes et biscuits. Il y a aussi des sellous et des biscuits à l'orange." La retraitée est aux fourneaux depuis mardi. "On a l'impression que c'est rapide comme ça, mais là regardez, mes petits éventails, ça m'a pris du temps. On en faisait quand on était petit donc je me suis dit, c'est vite fait", s'amuse la Segréenne.

 

Mina Ramadan 1_28 03 25_DR
Crédit : DR

 

Une recette qu'elle a revisitée à base de pâte filo pliée en éventail : "Je vais tremper les bords dans la crème de pistache et avec des graines de sésames pour décorer. Je ne sais pas si c'est bon parce que pendant le Ramadan, je ne peux pas goûter. Alors comme vous êtes là, vous allez goûter et me dire ce que vous en pensez !" Très peu de doute, le mélange est très bon, subtilement sucrée. "On met moins de sucre, mais on met beaucoup de miel pour conserver." Dans la foulée, Mina enchaîne avec de longs cigares à base de noix, pistache, cacahuète, amandes et noisettes. Couper, beurrer, taper, tout s'enchaîne avec une facilité déconcertante. Et lorsqu'il s'agit de rouler ses cigares, elle sort deux baguettes chinoises. "Le rouleau, c'est trop gros, il fallait trouver quelque chose. Dans la cuisine, il y a toujours une solution.

 

Du partage en sauce

 

Véritable cheffe d'orchestre, la cuisine n'a aucun secret pour elle. "J'adore cuisiner. Mon rêve, c'était d'ouvrir un restaurant, mais c'était trop compliqué administrativement." Il faut dire que Mina ne s'est pas pris de passion pour la cuisine par hasard. C'est en quelques sortes sa deuxième religion. Après avoir passé plusieurs années à travailler dans la restauration en région parisienne, la Marocaine est arrivée en Anjou. Retraitée, elle n'a jamais lâché les fourneaux. "Je fais des marchés de Noël à Cantenay-Epinard, Tiercé et La Pouëze. Je fais ça pour le plaisir." Toc, toc, toc. Tiens, voilà Yohan l'ami de son fils qui vient rebrancher le gaz. Avant de partir, il lâche : "Au fait, merci Mina pour les enfants et ils ont adoré ton pain marocain." Oui, Mina, déjà grand-mère de deux enfants, fait aussi nounou pour le copain de son fils. "J'adore cuisiner avec les enfants, c'est du partage", se réjouit la retraitée qui a, plus tôt dans la journée, donné des gâteaux aux ouvriers qui travaillent sur le chantier du centre-ville.

 

La porte se referme, la septuagénaire file allumer le gaz sous sa poêle : "On va faire des sellous donc faut faire torréfier la farine. Il faut surveiller sinon la farine va brûler". Il y a-t-il une fin à ce festin ? Sur l'autre gaz, mijote l'harira, une soupe composée de lentilles, de pois chiches, de fèves, de céleris avec de la coriandre et des épices. "Nous, au Maroc, c'est toujours l'harira. Parfois, on fait la soupe à l'orge ou la chorba." Le programme de l'après-midi est déjà affiché. Au menu : préparation de bricks à la viande hachée, makrout, batbout le pain marocain, une salade de fruits, et des jus banane-avocat et carrotte-banane.

 

4h pour préparer la semoule

 

La préparation du repas de la fin du Ramadan n'est pas de tout repos, mais inutile de parler de grasse matinée pour le lendemain. Ce samedi matin, Mina s'attaquera au plat phare du repas, le couscous. Elle ouvre le frigo : "j'ai acheté mes merguez, des pignons du poulet, du veau parce qu'en France, tout le monde n'aime pas l'agneau. Je prends ça chez un boucher halal près des Ponts-de-Cé. On fera revenir ça dans un mélange de safran, curcuma et gingembre. En accompagnement, ça sera navet, carotte, pois chiche et citrouille. Un couscous sans citrouille, ce n'est pas un couscous. Une fois, j'ai mis du panais. Les gens m'ont dit "on a mangé un légume qu'on ne connaissait pas." Merci Mina." Le partage toujours. Mais la plus grosse partie du travail reste la préparation de la semoule. "Je la travaille pendant 4 heures. Au départ dans le couscoussier à l'eau tiède et quand la vapeur commence à sortir, je la mets dans mon plat rond et je la travaille avec mes mains et l'eau huilée. Je la laisse se reposer. Je fais ça trois fois de suite."

 

Mina Ramadan2_28 03 25_DR
Crédit : DR

Une fois le travail terminé, Mina pourra enfin profiter de la fin du Ramadan. "On casse toujours le jeûne avec une date et un thé à la menthe en disant au Nom d'Allah et après, je dis "Oh Allah, tu es pardonneur. Tu aimes le pardon alors pardonne-moi", lit-elle en arabe. C'est après que la magie opère sur les convives. "C'est à la bonne franquette. Dans le plat de couscous, tout le monde met la main. Il y a quand même des fourchettes et des couteaux, mais c'est plus convivial quand c'est à la main." Peu de choses qui contribuent à la réussite de son Ramadan : "C'est un bonheur parce que je purifie mon corps et je pense aux gens qui ne mangent pas tous les jours à leur faim. C'est un plaisir de faire le Ramadan parce que je me sens beaucoup mieux. La cervelle travaille moins pendant cette période et toujours avec le plaisir de cuisiner." Un plaisir qu'elle partage volontiers au quotidien avec les gens qui font appel à son talent de cuisinière, dont nous...