Maine et Loire

Maine-et-Loire. Taxe USA : les vignerons angevins souhaitent un accord "gagnant-gagnant"

Alors qu'hier la taxe douanière des produits européens importés aux Etats-Unis était passée à 20 %, Donald Trump a finalement fait un revirement en ne les taxant qu'à 10 % pour laisser une changer aux négociations. Les producteurs de vin en Anjou pourraient faire les frais de ce pugilat commercial.

Publié : 10 avril 2025 à 13h49 - Modifié : 10 avril 2025 à 13h54 Alexis Vellayoudom

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Le marché américain représente 10 % de la commercialisation du Domain du Clocher
Crédit : Alexis Vellayoudom

Donald Trump a finalement décidé de couper la poire en deux. Alors que depuis hier, la taxe douanière sur plusieurs produits importés de l'Union Européenne était passée à 20 %, le président américain a finalement a fait volt-face en suspendant cette augmentation pour la limiter à 10 % pendant 90 jours afin de "laisser une chance aux négociations" avec plusieurs pays, dont ceux de l'Union Européenne. Parmi les produits concernés figure le vin. Ce dernier serait l'un des plus impactés en France par cette guerre commerciale. A ce jour, le pinard français est donc imposé d'une taxe douanière de 10 % à son entrée aux Etats-Unis, mais reste sous la menace de passer à 20 %. Une véritable perte pour les vignerons, notamment en Anjou où le marché américain est le premier marché d'export pour la Fédération Viticole Anjou Saumur. Entretien avec Vincent Denis, vigneron au Domaine du Petit Clocher à Cléré-sur-Layon et responsable commerciale France/Export du domaine où sont cultivés les cépages Cabernet franc et Chenin sur 85 hectares pour la production d'Anjou Rouge et Anjou Blanc. *

 

Vincent Denis, vous faites partie des nombreux vignerons angevins directement impactés par la guerre commerciale menée par Donald Trump à coup d'augmentation de cette taxe douanière, d'abord à 20 % et finalement 10 %. Concrètement, ça a quel impact pour vous ? 

 

"Ça va représenter une perte sèche dès le début parce qu'on sait par expérience, suite à la première période de taxe imposée par Trump lors de sa première mandature, qu'on avait eu un réel frein des exportations. Malheureusement, la baisse a commencé plus tôt avec l'annonce des 200 % il y a trois semaines où ça a tout figé. J'espère que ça va commencer à se redébloquer, mais forcément avec des commandes qui sont en baisse."

 

Parce que votre vin avec cette taxe risque d'être vendu très chère aux Etats-Unis ?  

 

"Une bouteille qui partirait de chez nous aujourd'hui à 10 €, avec une taxe de 20 %, elle arriverait sur le marché américain avec 2 € de plus, soit 12 €. Alors que jusque-là, elle était vendue à 10,20 €, car la taxe douanière était de 2 %, ce qu'était une taxe commune et classique. On va avoir un impact net pour le consommateur américain et pour le distributeur. Malheureusement, il n'y aura pas de gagnant. Le consommateur américain va perdre du pouvoir d'achat et le distributeur va rogner sur ses marges et nous demander de rogner sur nos marges pour pouvoir amortir une partie de ces taxes."

 

Le consommateur américain est sensible à ce genre d'augmentation surtout pour un produit réputé comme le vin français ? 

 

"Oui, il est sensible parce que c'est assez violent une augmentation nette de 10 % ou 20 %. Ça représente des coûts importants. In fine, le consommateur, il payera même plus que 2 € puisqu'après ces 10 % ou 20 % de taxe, il y aura impact aussi sur la marge du distributeur et du détaillant. Et peut-être que sur une bouteille qu'est partie de chez nous à 10 € et vendue habituellement 25 dollars, et bien là, elle va se retrouver à 32 dollars sur le marché."

 

Quelles conséquences pour les vignerons français et les consommateurs américains ?
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Est-ce que ce pugilat commercial, ça vous incite à vous poser la question de réduire vos exportations aux Etats-Unis ? 

 

"Non les Etats-Unis, c'est le plus gros marché des vins de Loire en général. Pour nous, c'est un marché conséquence, ça représente 10 % de notre commercialisation de vin. Ce qui est important, c'est qu'on puisse travailler avec une certaine visibilité sur ce marché. Malheureusement, on ne peut pas remplacer un marché en peu de temps, puis c'est des relations qu'on a construit à long terme. Ça veut dire que tous les exportateurs avec qui on travaille, ça fait une dizaine d'années qu'on travaille avec eux. Et puis le marché américain augmentait d'année en année en volume. On ne veut pas non plus laisser tomber nos partenaires historiques. On veut continuer à leur vendre du main, mais en s'adaptant au mieux à la crise."

 

Elle peut durer longtemps cette crise ? 

 

"Je pense qu'on n'est peut-être pas au bout du sujet (ndlr : ce qui s'est avéré vrai, Donald Trump a changé d'avis le soir-même). À  aujourd'hui, on a 10 % de taxe. Nous ce qu'on demande, en tant que vigneron, c'est qu'il y ait une poursuite des discussions entre la Commission européenne et le gouvernement américain pour qu'il y ait une réciprocité des taxes, ce que souhaite Donald Trump. On peut accepter d'importer du spiritueux américain avec une taxation plus faible, voire zéro. Et en contrepartie, exporter nos vins et spiritueux à 0 % de taxe aux Etats-Unis. Le but, c'est de rentrer dans une négociation gagnant-gagnant de la part de l'Union européenne pour qu'on puisse passer outre cette taxation et qu'elle ne soit que temporaire. De toute manière, Trump a pris ces décisions pour déclencher des négociations. Maintenant, il faut être malin. D'autant que cette crise peut concerner tous les vignerons, même ceux qui n'exportent pas parce que ces volumes qui ne seraient pas consommés au Etats-Unis vont se retrouver sur le marché français et peuvent déstabiliser notre marché intérieur."

 

 

La Fédération Viticole Anjou Saumur réclame une réciprocité de taxe à faible taux
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Vous êtes plutôt optimiste sur cette séquence politique ? 

 

"On sait que le sujet est très sensible et je pense que l'administration Trump se rend compte aussi que l'économie est sensible et ses annonces ont fait dévisser l'ensemble des bourses. Ce qui pourrait l'engager à une négociation plus rapide. L'Union européenne est en train de préparer sa réponse. Et nous ce qu'on souhaite, c'est que chaque taxe soit traitée filière par filière et que le vin soit mis de côté avec le spiritueux. Je suis encore optimiste pour que cette taxe ne dure pas quatre ans, mais peut-être un mois et que les négociations aboutissent afin de nous permettre de travailler plus sereinement."

 

Selon la Fédération Viticole Anjou Saumur, la majorité des vignerons exportateurs exportent vers les Etats-Unis. 

 

*Interview réalisée avant le revirement du président des Etats-Unis et sa décision de finalement passer la taxe douanière à 10 %