Pays de Craon. Nicolas Turon a eu "du mal à buter du monde" pour Mortelle Mayenne
Nicolas Turon a rendu son recueil Mortelle Mayenne. À l'intérieur, 11 polars inspirés d'anecdotes, de confidences des habitants du Pays de Craon. Il revient sur cette expérience mayennaise.
11 juillet 2022 à 18h30 - Modifié : 12 juillet 2022 à 8h01 par Alexis Vellayoudom
Le Pays de Craon, grande scène de crime d'un recueil de polars. Mortelle Mayenne a été présenté vendredi 1e juillet. À l'intérieur, 11 polars, tous écrits et imaginés par l'auteur Nicolas Turon, grâce à son immersion dans l'intimité des habitants de 10 communes. Le Mosellan nous a fait un retour de son expérience dans le Sud-Mayenne.
Nicolas, après avoir présenté ton recueil et passé quelques mois en Mayenne, qu'est-ce que tu retires de ce projet ?
C'est avant tout des rencontres humaines. J'avais encore Gaël de Congrier au téléphone ce matin. J'ai eu Brigitte du Fair Play à Senonnes hier, donc même revenu en Moselle, toutes les personnes que j'ai rencontrées continuent à me donner des nouvelles. C'est presque des histoires d'amitié. Pour être tout à fait honnête, ayant fait du théâtre de rue, il y a quelques années, dans le Nord-Mayenne, j'avais le souvenir d'un accueil assez frileux. Le Nord-Mayenne m'avait pas paru extrêmement sympathique en tant qu'artiste de rue donc débarquant il y a six mois dans le Sud-Mayenne, je m'attendais à devoir m'employer pour avoir des confidences, rentrer dans les intimités, pour récolter des anecdotes. Et puis j'ai été surpris par un trombe d'humanité, de gentillesse. Je trouve que le Mayennais est accueillant comme rarement j'ai vu des personnes accueillir en France.
Est-ce qu'il y a une personne en particulier qui t'a marqué ?
Un hommage à Jacqueline Lardeux d'Athée, qu'est la présidente des Nociers. Elle m'a accueilli chez elle, je crois que je suis passé quatre fois. Enfaîtes, à chaque que je reviens, je passe la voir. Elle était en concubinage avec Bernard, son compagnon, qui avait commencé à faire mon arbre généalogique. C'est quelqu'un chez qui je me suis senti comme en famille. Et Jacqueline a perdu son compagnon, il y a pas très longtemps. À qui d'ailleurs le recueil est dédicacé. J'étais en Moselle dans mon village en train de faire une fête et puis j'ai fondu en larmes parce que j'avais l'impression étrange de perdre quelqu'un de riche et de très humain. Les habitants d'Athée m'ont particulièrement marqué.
As-tu rencontré des difficultés pour écrire ces polars ?
Ça a été assez fluide. S'il faut être tout à fait honnête, il y a un défaut dans ces polars, c'est que j'ai eu du mal à buter du monde parce que tout le monde était trop sympa. Je veux pas spoiler pour les lecteurs qui vont lire l'intégral de Mortelle Mayenne, mais il y a pas mal de petites astuces qui font que je tue pas mes victimes parce que j'ose pas enfaîtes. Donc c'est du polar mais qui se finit plutôt bien. Après Brain-sur-les-Marches, c'était un peu plus un pays de taiseux. J'ai rencontré des plus anciens, ça a été un tout petit peu plus dure de récolter des anecdotes et puis est arrivée Vanessa, madame le Maire, et puis est arrivé un repas avec deux amis. Ils partageaient un vélo. Ils ont deux maisons voisines, éloignées de quelques centaines de mètres et enfaîtes, ils ont acheté un vélo pour deux. Et quand l'un va dîner chez l'autre, comme ils aiment bien l'apéro et la bonne chair, celui qui doit rentrer en voiture, la laisse et prend le vélo, le ramène chez lui et la fois d'après, c'est le copain qui prend le vélo etc. Comment veux-tu que je ne me serve pas de cette anecdote dans une petite nouvelle policière et ça c'est débloqué comme ça à Brain-sur-les-Marches, au tout dernier moment, sur le dernier repas.
Tu as vu des différences entre la Mayenne et ce que t'as pu connaître en Moselle ?
Il y a énormément de différences. Nous en Moselle, il y a quasiment une Moselle par village, c'est très changeant. Dans la Mayenne, il y a quand même une constante agricole, rurale, une énorme activité associative, un grand dynamisme. On voit souvent des jeunes qui s'en vont et qui reviennent au pays. Il y avait une certaine unité. La principale difficulté pour écrire des nouvelles policières, c'était de trouver un angle à chaque fois parce que la société du Sud-Mayenne, enfin celle que j'ai croisé, a quand même un ensemble assez constant que je résume ainsi. La Mayenne est un département un peu arbitraire avec des frontières rectilignes, rectangulaires, qu'on a placé là, un peu administrativement. C'est un territoire chahuté aux quatre vents, par le Breton, l'Anjou, la Normandie, etc. Et le meilleur moyen de résister quand le vent souffle fort, c'est d'avoir les deux pieds bien enfoncés dans la terre, c'est ce que j'ai ressenti de la Mayenne.
Dans ce recueil, il y aura un polar surprise Complètement à Craon, pourquoi ce polar ?
Déjà, très bassement, c'est une très bonne raison d'acheter l'intégral parce qu'il y a un texte bonus, c'est chouette (rires). Et plus éthiquement, plus profondément, c'est parce que j'ai entendu parler de Jean-Luc, c'est ce monsieur du côté de Craon qui marche sur le bord de la route avec un sac de commission dans chaque main. Il est souvent torse-nu, il parle très fort. Il y a beaucoup de monde qui m'a parlé de lui. J'ai finis par le voir un petit peu comme le croque-mitaine, celui qu'on emploie pour faire peur aux enfants. Si t'es pas sage, Jean-Luc va venir te voir et comme j'ai appris beaucoup de choses de lui, il vit un camping-car sur l'aire des grands-voyageurs. Il fait un petit peu peur. Mais c'était par des "on dit", j'avais envie de lui rendre hommage en passant du "on dit" au "je dis". Donc j'ai écrit un texte à la première personne, c'est le monologue intérieur que pourrait avoir Jean-Luc. C'est une longue nouvelle où on en apprend sur sa vie et j'explique peut-être des choses qui permettent d'avoir plus d'empathie avec lui que d'en avoir peur.
Le recueil est disponible dans les médiathèques de Craon, Cossé-le-Vivien et Renazé tout l'été.