ratio soignants-patient : la directrice du CHU d'Angers "inquiète" après l'adoption de la loi proposée par Guillaume Garot

Maine et LoireMayenne

Hier, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi du député mayennais Guillaume Garot (PS) sur l'instauration d'un ratio minimum de soignants par patient à l'hôpital. La directrice du CHU d'Angers Cécile Jaglin-Grimonprez salue l'intention, mais s'inquiète sur la mise en œuvre.

Publié : 24 janvier 2025 à 12h40 - Modifié : 24 janvier 2025 à 12h48 Alexis Vellayoudom et Marie Chevillard

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Selon la directrice du CHU, "les conditions ne sont pas réunies" pour la mise en place de cette loi
Crédit : Alexis Vellayoudom

"C’est une première étape pour commencer à reconstruire l'hôpital en France". Hier, le Mayennais Guillaume Garot, député socialiste de la 1er circonscription, s'est réjoui de l’adoption de sa proposition de loi pour instaurer un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé. Elle a été votée à l’Assemblée nationale par 138 voix contre 3. Selon le député mayennais, ce texte, "laissera aux soignants davantage de temps auprès des malades et permettra de renforcer l’attractivité des métiers du soin". Dans les prochaines années, la Haute autorité de santé devra définir le ratio nécessaire par service. Dans les directions hospitalières et les associations, les avis sont partagés. 

 

Une loi compliquée à mettre en place pour la directrice du CHU d'Angers

 

Interrogée à ce sujet ce jeudi lors de la traditionnelle conférence de presse de rentrée du CHU d'Angers, Cécile Jaglin-Grimonprez a salué l'initiative : "l'intention est bonne ! On sait qu'un certain nombre de soignants considère qu'aujourd'hui, ils ne font pas leur travail comme ils l'aimeraient et qu'ils n'ont pas suffisamment de temps à consacrer à chaque patient donc on peut comprendre derrière cette volonté d'instaurer des ratios, le fait de rendre attractif l'emploi hospitalier pour les soignants". Mais selon elle, sa mise en oeuvre paraît compliqué. Elle est inquiète : "aujourd'hui, on a déjà à mettre en oeuvre les textes qui régissent les soins critiques, en réanimation, soins intensifs et surveillance continue. On sait qu'il faudrait 50 000 nouveaux infirmiers spécialisés en réanimation pour respecter ces décrets et donc si on s'ajoute des ratios pour les autres catégories de prise en charge. On voit pas très bien comment on va pouvoir former suffisamment d'infirmiers et d'aide-soignants pour répondre à cette loi".

 

 

 

En face, l'urgentiste mayennaise a défendu cette proposition de loi tout comme le collectif Les Gilets Blancs ou l'Association des citoyens contre les Déserts médicaux. De son côté, Audace 53 reste perplexe. "Quelles mesures concrètes sont prises pour augmenter le recrutement ? Autant pour les médecins que pour les soignants. Les déclarations d'intention ne suffisent pas. Des années de mensonges et de dégradations imposent des actes forts. Croyons ce que nous voyons. J'ai peur qu'on prenne le problème à l'envers : d'abord réformer l'accès aux IFSI (suppression de Parcoursup), revalorisation indiciaire, recrutements massifs et ensuite ratios. Débuter par le ratio, c'est courir le risque de faciliter la fermeture de services. Certains sont aux aguets", écrit l'association d'usagers de défense de l'hôpital public dans le Nord-Mayenne.

 

Un coût difficile à assumer ? 

 

En effet, dans les services réanimation ou pour les grands brûlés, déjà soumis à ratios de sécurité, s'ils ne sont pas respectés cela entraîne une réduction des capacités d'accueil de l'établissement ou la suspension de l'activité du service. Mais pour ces nouveaux quotas ça ne devrait pas être le cas. La loi précise : "lorsqu'il est constaté pour une unité de soins que les ratios définis (...) ne peuvent pas être respectés pendant une durée supérieure à trois jours, le chef d'établissement en informe le directeur général de l'agence régionale de santé territorialement compétant".

 

L'avis de la directrice du CHU d'Angers Cécile Jaglin-Grimonprez sur cette mesure
Crédit : Alexis Vellayoudom

 

Enfin, l'aspect financier rentre en jeu. Guillaume Garot annonçait deux à trois milliards d'euros à mettre sur la table avec la possibilité, à terme, de réaliser des économies comme en Nouvelle-Zélande ou en Australie grâce des "malades mieux accompagnés et des convalescenses plus rapides". La fondation hospitalière de France table plutôt sur 7 milliards d'euros par an pour l'État. "Ça va coûter beaucoup d'argent. Si l'État est prêt à consacrer cette somme aux hôpitaux et qu'on arrive à former autant de soignants, ça sera une très bonne chose, mais pour l'instant, ces conditions ne sont pas réunies. Et le contexte ne nous rend pas très confiants, c'est pourquoi, les hôpitaux et les fédérations hospitalières ont exprimé une grande inquiétude à ce sujet, même si je le répète l'intention est bonne".