Angers. "Tout participe à alimenter le cycle de l'eau, sauf nous ", Samuel Bonvoisin au Salon du Végétal

Le Salon du Végétal s'est clôturé à Angers. Trois jours dédiés aux professionnels et aux réflexions sur le végétal et l'eau. Samuel Bonvoisin, conseiller en gestion de l'eau, interrogeait sur "Et si on cultivait l'eau ?". Entretien.

13 septembre 2024 à 10h18 - Modifié : 13 septembre 2024 à 10h19 par Alexis Vellayoudom

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Samuel Bonvoisin était au Salon du Végétal à Angers pour parler de l'eau
Crédit : Alexis Vellayoudom

Le salon du végétal a refermé ses portes. Hier, pour cette ultime journée, l'événement accueillait Samuel Bonvoisin, conférencier et conseiller en gestion de l'eau. Convaincu, qu'il est urgent d'agir, il milite pour que les collectivités locales et les agriculteurs reprennent la main sur la "culture de l'eau". Entretien. 

L'entretien complet avec Samuel Bonvoisin
Crédit : Alexis

Samuel, "Si on cultivait l'eau ?", qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? 

 

"Comme beaucoup, j'ai été éduqué avec cette double idée que pour bien gérer l'eau, il y a deux choses à faire. La première, il ne faut pas la gaspiller et la deuxième, il ne faut pas la polluer. Et il y a une dizaine d'années en travaillant sur la gestion de l'eau pour aider des agriculteurs, je suis tombé sur une approche nouvelle utilisée dans certains pays. L'idée, c'est que le sol, les végétaux font partie du cycle de l'eau et notre manière d'aménager les paysages, ça va avoir une influence sur le cycle de l'eau. Et donc si on s'y prend de la bonne manière, on peut cultiver l'eau. C'est-à-dire faire en sorte qu'il y ait de plus en plus d'eau disponible à un endroit donné. Ça vient s'opposer aujourd'hui à ce qu'on fait, c'est-à-dire dégrader le cycle de l'eau. Pour l'instant, on a des pratiques d'aménagements du paysage, en agriculture, dans la gestion des rivières, l'artificialisation de nos villes aussi, qui dégradent et font en sorte qu'on ait de moins en moins d'eau disponible". 

 

Est-ce qu'une méga-bassine, c'est cultiver l'eau ? 

 

"C'est vraiment le point crucial parce qu'on se rend compte que comme, d'un côté, on dégrade le cycle de l'eau et qu'on a de moins en moins d'eau, et bien de l'autre côté, on prépare la guerre de l'eau. C'est-à-dire, comment je fais en sorte de m'accaparer l'eau, parce qu'il y en a de moins en moins, chacun essaye de tirer la couverture vers lui et d'en avoir le plus possible. Avec les méga-bassines, on est dans une stratégie de mal-adaptation. Plutôt que de réparer le problème, on s'adapte aux conséquences de ce qu'on est en train de faire, abîmer le cycle de l'eau, en faisant des choses qui ne vont pas arranger le problème et qui risque de créer des tensions dans la société. Je prône des solutions qui visent à ramener l'eau pour tout le monde et aussi pour toutes les formes de vie, les arbres, les végétaux, les insectes. Une alternative aux méga-bassines".

 

Quelles sont ces alternatives ? 

 

 "C'est assez simple ! Ça tient en quatre verbes d'action. Ralentir l'eau, l'infiltrer, la stocker et évapotranspirer, c'est-à-dire, permettre au sol de faire de l'évaporation et permettre aux végétaux de faire de la transpiration, donc de la photosynthèse. Pour ralentir l'eau, ça peut être faire des fossés d'infiltration, désartificialiser certaines zones, des parkings, des routes, des trottoirs. Ca peut être aussi dans les champs avec de l'infiltration à la parcelle. Tout ce qui va dans le sens opposer, conduire l'eau dans le bas des pentes, faire des fossés le long des routes, retirer les méandres des rivières pour accélérer le mouvement, tout ça, ça ne va pas dans le bon sens, il faut faire l'inverse. Il y a plein de solutions, comme le jardin de pluie, c'est un petit jardin qui permet de collecter l'eau, l'infiltrer localement et mettre de la végétation pour permettre l'évapotranspiration. Enfaîte, c'est faire ce que fait le vivant depuis des millions d'années, stocker de l'eau dans le sol, les végétaux qui renvoient l'eau par évaporation, les champignons, les bactéries, tout participe à alimenter le cycle de l'eau, tout, sauf nous". 

 

Vous dîtes que vous travaillez avec des agriculteurs, mais votre vision sur la culture de l'eau, ce n'est pas la vision dominante au sein de l'agriculture. Pour répondre à des syndicats comme la FNSEA, comment on peut cultiver l'eau sans mettre en danger la production ?

 

"C'est une question rhétorique. Si, on regarde la situation telle qu'elle est en train d'évoluer. Tout le monde, y compris les agriculteurs de la FNSEA savent très bien que si on ne fait rien et on ne change pas, dans quelques années, on sera comme l'Espagne, à savoir 74 % du territoire en voie de désertification et on va aller vers des pénuries d'eau de plus en plus grave. Et ça, ça ne sera pas bon pour l'agriculture. Donc produire, oui, mais en fait, c'est un rééquilibrage entre le court terme et le moyen-long terme. Nous, on veut remettre du moyen-long terme dans ces décisions parce qu'un agriculteur, il pense pour lui, sa famille et ses enfants. La plupart des agriculteurs sont préoccupés par l'avenir. Simplement, on remet du moyen-long terme et on accepte de faire des compromis aujourd'hui pour pouvoir s'offrir un avenir sur notre territoire".

 

Il reste combien de temps pour changer de modèle ?

 

"On n'en sait rien. Ce qui est sûr, c'est qu'au fur et à mesure que la réalité se manifeste, la multiplication des sécheresses, des incendies, des inondations parce que le trop d'eau et le pas assez d'eau, c'est l'expression de la dégradation du cycle de l'eau. Ce qu'on sait, c'est que ça va plus vite que les prévisions. On a déjà atteint ce qu'on nous prévoyait pour 2040".

 

D'ailleurs, la météo a été capricieuse cette année, inondation, pluie, ça a provoqué la pire récolte céréalière depuis 30 ans.

 

"Exactement. Et on risque d'avoir, là où avant, on avait une mauvaise année tous les 3-5 ans, maintenant, on risque d'avoir une bonne année tous les 3-5 ans parce qu'en faîtes, l'essentiel des années, on aura des événements météorologiques de plus en plus fort et fréquent. Donc, je fais partie de ces personnes qui disent, "on ne peut plus attendre". On ne peut pas se permettre de se dire "allez, peut-être, ça peut encore le faire". Non, il faut bouger maintenant, d'autant que dans les solutions de revégétalisation, planter des arbres aujourd'hui, ça veut dire commencer à être efficace dans 15 ans, le temps que ces arbres poussent donc c'est vraiment, maintenant, qu'il faut s'y mettre".