Cholet. Fermeture Michelin : "Qu'ils nous payent jusqu'à la retraite, ils en ont les moyens"

Après l'annonce du groupe Michelin de fermer les sites de Cholet et Vannes, soit 1 254 postes, les syndicats se sont mobilisés et promettent de bloquer le site "jour et nuit". Ils exigent la préservation de leurs emplois.

Publié : 6 novembre 2024 à 8h27 par Alexis Vellayoudom

Usine Michelin Cholet_06 11 24_Google Street View
L'entrée du site Michelin de Cholet
Crédit : Capture d'écran Google Street View

Après un demi-siècle d'existence, il n'y aura plus de pneus Michelin fabriqués à Cholet. Mardi, vers 9h, la direction du groupe de fabricants de pneus a annoncé officiellement la fermeture des sites de Vannes et Cholet d'ici 2026. Près de 1 254 personnes perdront leur emploi, dont 955 sur le site choletais.

 

"On va bloquer jour et nuit"

 

C'est un véritable coup de massue qui est tombé sur la tête des salariés choletais du Groupe Michelin. Vers 8h30, la direction a annoncé en Comité social et économique la fermeture du site. Une décision qui a surpris la majorité des salariés. "On ne s'attend jamais à perdre son emploi. Ça a été très très agressif de la part de la direction", confie David Goubault, délégué CGT de l'usine. Dans la foulée, les syndicats ont réuni les salariés en Assemblée générale pour voter une grève immédiate. Très vite, un piquet de grève se monte. Barricade, pneus brûlés. "On va bloquer le site jour et nuit. On va se relayer jusqu'à 21h et de 21h jusqu'à 5h du matin. Pendant combien de temps, je ne sais pas. Nous, nos revendications, c'est de préserver notre emploi", poursuit la CGT. Les mesures d'accompagnement sont balayées d'un revers de la main par les syndicats. "Ils nous donnent des miettes en faisant croire que ça va nous suffire, mais en réalité non. Ce qu'on veut, c'est être payé de notre travail. On ne veut pas avoir des mesures de reclassement et devoir aller pointer au chômage après. Ce n'est pas à la collectivité locale ou à l'État de payer le chômage auquel on est prédestiné. Nous, la revendication première qu'on a faite, c'est de nous laisser chez nous, mais de nous payer jusqu'à la retraite, ils en ont les moyens", martèle David Goubault. 

 

David Goubault, délégué CGT de l'usine Michelin à Cholet
Crédit : Pierre-Louis Besnier

 

Même son de cloche du côté du syndicat Sud Solidaires. "Même si on se doutait de ce qui allait se passer, on y croyait toujours, on est effondrés... On se sent comme des vaches à l'abattoir, mais on ne va pas se laisser écraser !", expliquent Morgane Royer et Jean-Marc Wagon. Au-delà de l'annonce en tant que telle, les deux syndicalistes fustigent la manière avec laquelle l'annonce a été faite, par voie de presse dans un premier temps et au dernier moment. "Ça montre le mépris de notre direction, à Cholet et à Clermont-Ferrand : c'est de la maltraitance ouvrière !". Et ce ne sont pas les mesures compensatoires annoncées qui calment les esprits. "C'est une honte, les sommes proposées sont dérisoires, pour un groupe du CAC 40. Quant au reclassement possible, dans quel site ? Après la fermeture de l'usine de la Roche-sur-Yon, il y a quatre ans, celui le plus proche est à Joué-lès-Tours (à 140 km). Sachant qu'il est concerné par une restructuration...". Jean-Marc Wagon rappelle que "des centaines de familles sont concernées, notamment lorsque des couples travaillent ici. Et comment reclasser décemment ceux que j'appelle les "handicapés de Michelin", c'est-à-dire des salariés qui ont 52-55 ans, victimes de troubles musculo-squelettiques à cause du travail ?!".

Malgré tout, les délégués syndicaux de Sud Solidaires le reconnaissent, la production était en baisse depuis plusieurs années. "Par exemple, en 2015, à Cholet, on produisait 4 millions de pneus ; aujourd'hui, on est à 2,4 millions." Mais selon eux, la fermeture du site et le licenciement des 955 salariés étaient évitables. "C'est un problème de choix stratégiques : le groupe a voulu exporter son savoir-faire, notamment en Europe de l'Est où le fameux "salaire décent" promis par la direction est bien moins élevé qu'en France... Pourtant, quand on voit que Michelin a fait 3,6 milliards d'euros de bénéfices l'an dernier, on se dit qu'ils ont l'argent pour payer nos retraites."

 

Une annonce et des mesures préparées

 

Même si l'annonce a pu en surprendre plus d'un, elle fut tout de même préparée. Le groupe Michelin a très vite réagi en justifiant ces fermetures par la baisse de production de pneus pour camionnettes, fabriqués sur le site de Cholet. Le géant du pneu évoque aussi une concurrence trop forte venue d'Asie, une production trop chère en France et la vente de véhicules neufs, notamment poids lourds, qui plonge. Devant la presse, convoquée tôt ce matin, le directeur du développement social Alexander Law et Arnaud Gage, directeur industriel des productions tourisme et camionnettes, ont aussi très vite énuméré les différentes "mesures d'accompagnements" mises en place et qui seront proposées au CSEC et au CSE. Le groupe propose notamment une mobilité interne, suppléée d'une indemnité de mobilité à hauteur de 33 000 € bruts et qui pourra s'accompagner d'une indemnité forfaitaire de logement d'un minimum de 350 € par mois pendant 4 ans.

 

Les syndicats lancent un mouvement de grève à Michelin
Crédit : Pierre-Louis Besnier

 

Les conjoints pourront être accompagnés dans leur recherche d'emploi (pendant une période de 6 mois) avec un cabinet spécialisé, mais aussi bénéficier d'une formation à hauteur de 5 000 € bruts et une indemnité de perte d'emploi de 5000 € bruts. Enfin, Michelin a évoqué la possibilité d'un accompagnement à mobilité externe avec des mesures pour faciliter la reconversion professionnelle dans le cadre d'un congé de reclassement (12 à 18 mois avec un minimum de 75 % du salaire). Ils pourront être accompagnés par un cabinet externe, recevoir des aides à la formation qualifiante, à la création ou reprise d'entreprise et une indemnité compensatrice d'écart de rémunération (dans la limite de 400 € buts pendant 3 ans). Pour mettre fin à la grève, la direction a proposé hier aux agents et chefs d’équipe qui reprendraient le travail, une prime. La CFDT dénonce un manque de respect. "Les salariés ont déjà reçu des propositions d’accompagnement ; et des rencontres avec le cabinet de reclassement sont prévues dès jeudi ! La CFDT dénonce un manque de respect : les négociations sur le plan de sauvegarde de l’emploi n’ont pas encore commencé et déjà le reclassement s’amorce. C’est inadmissible".

 

Des élus dénoncent la "violence" de l'annonce

 

Du côté de la classe politique, les réactions fusent. "Ce sont des capitalistes voyous", a asséné le maire de Cholet Gilles Bourdouleix. "Une annonce violente pour leurs familles et notre territoire", a réagi le député choletais Denis Masséglia. Il a décidé de saisir la Commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale pour que la direction de Michelin soit auditionnée. Stella Dupont, députée de la 2e circonscription du Maine-et-Loire, dit "comprendre et partager la colère des salariés et de leurs familles". Au niveau de l'État, le préfet du Maine-et-Loire Philippe Chopin et la préfecture, "regrettent profondément la décision du Groupe Michelin de fermer le site de Cholet". L'édile assure que "les services de l’État seront extrêmement vigilants sur la qualité de ces mesures, pour qu’elles assurent le reclassement et la reconversion des salariés, d’une part, et qu’elles répondent aux obligations en matière de recherche de repreneur, de revitalisation et de redynamisation".

 

À la région Pays de la Loire, Christelle Morançais, présidente de la Région Pays de la Loire écrit sur X : "cette fermeture illustre les terribles difficultés de l’industrie française et européenne face à la concurrence internationale". L'opposition de gauche souhaite une alternative."Michelin a une responsabilité vis-à-vis du territoire et des salariés. Le site industriel ne peut être fermé sans que toutes les options soient mises sur la table et négociées avec les salariés". Au niveau départemental, la présidente du Département de Maine-et-Loire, Florence Dabin, regrette ce qui n'est "malheureusement pas une surprise pour ceux qui suivent ce dossier" et exprime son soutien "aux salariés et aux familles touchés de plein fouet par cette annonce dramatique". La France Insoumise du Maine-et-Loire demande le maintien des sites. "Michelin a bénéficié de millions d’exonérations de cotisations sociales et cadeaux fiscaux. L’action Michelin a gagné près de 7% en un an". Le Premier ministre Michel Barnier veut lui convoquer Michelin pour leur demander "ce que Michelin a fait de l’argent public qu’on leur a donné".